
Le renseignement financier, bien que timide, s’intègre de plus en plus dans les mœurs et pratiques professionnelles. Les banques, dont le dispositif prudentiel est imposé par Bank Al-Maghrib, se placent en tête des dénonciateurs. Les notaires ont effectué, quant à eux, 2 déclarations de soupçon en 2012
L’année qui s’achève aura un goût particulier pour les agents de l’Unité de traitement du renseignement financier. Le Maroc a pu s’extirper de la fameuse «liste grise» du Groupe d’action financière internationale (Gafi) suite à une «boulimie» législative: une loi fondatrice dans la lutte contre le blanchiment des capitaux puis des réformes en 2011 et 2013 destinées notamment à tenailler le financement du terrorisme. Le Maroc a été par la suite classé, le 16 octobre 2013, comme «un bon élève» par le Gafi (cf. L’Economiste du 17 juin et du 9 septembre 2013).
L’Unité, sous tutelle de la Primature, acte ainsi sa «victoire» en publiant son rapport annuel de 2012. Fait marquant: Les déclarations de soupçon sont en hausse depuis 2009 passant de 11 à 169 en 2012. Les banques et les sociétés de transfert de fonds en sont, comme à l’accoutumée, les principales émettrices.
Les notaires, eux, intègrent le bataillon. Les règles prudentielles imposées par Bank Al-Maghrib ou les circulaires de l’Office des changes expliquent sans doute le statut «entreprenant» des banques.
Est-ce à dire que plus un secteur est organisé, plus il est vigilant et sourcilleux sur les normes? C’est en partie vrai dans la mesure où la communauté financière compte aussi les sociétés de financement, les sociétés de bourse, les assureurs, les bureaux de change… Sachant que d’autres corps de métiers sont concernés de très près par la législation anti-blanchiment: contrôleurs de comptes, conseillers fiscaux, professions juridiques libérales, agents et intermédiaires immobiliers, casinos, négociants de pierres précieuses et même les marchands d’œuvres d’art… Et qui, à ce jour, sont absents de la liste des déclarants depuis le lancement de l’Unité en octobre 2009. C’est dire que la liste des personnes assujetties (15) est longue et celle des déclarants est courte (3). D’où la critique à peine voilée de l’UTRF: «Quoique le nombre de déclarations de soupçon reste tributaire de la taille de la personne assujettie et de son portefeuille client, il reste néanmoins lié à son degré d’implication et de vigilance». L’on peut supposer qu’en affaire, un dilemme se pose toujours: faire le choix entre une opération économiquement «juteuse» et le devoir de dénoncer une opération suspecte.
A moins que certaines corporations ignorent ou ne sont pas totalement au fait des dispositions légales auxquelles elles sont soumises.
Ainsi, à l’exception de trois déclarations relatives au financement du terrorisme (voir page De Bonnes Sources), toutes les déclarations de soupçon concernent le blanchiment de capitaux, affichant une progression de 62,7% entre 2011 et 2012. A noter aussi qu’en matière de communications spontanées, l’Office des changes, la Douane, la direction des Impôts et l’Instance centrale de prévention de corruption se démarquent.
Concernant les demandes d’informations, que l’UTRF envoie aux catégories assujetties pour complément d’analyse, leur nombre a évolué durant le quadriennal étudié (2009-2012), atteignant 1.714 avec un taux de réponse avoisinant les 100%. Pour rappel, l’Unité se garde le droit de s’opposer à toute opération jugée douteuse.
Transmission au Parquet
Le processus LBC/FT ne s’arrête pas aux déclarations de soupçon et autres demandes d’informations, il donne lieu à des poursuites judiciaires. L’UTRF saisit le procureur général du tribunal de première instance de Rabat en cas de blanchiment de capitaux, et celui de la Cour d’appel en cas de financement de terrorisme. 14 transmissions ont été effectuées lors de la période 2009-2012, dont neuf en 2012. «L’action concertée avec les autorités judiciaires a permis de recenser 5 modes opératoires», indique le rapport de l’Unité. Il s’agit principalement des détournements de fonds par virements frauduleux, introduction dans le circuit bancaire de fonds issus du trafic de stupéfiants, escroquerie par le biais de virement au profit de sociétés sans activités, utilisation de documents d’identification falsifiés, utilisation de cartes prépayées pour la collecte de l’argent. En revanche, aucune information n’est donnée sur l’aboutissement des procédures judiciaires. Pour rappel, le parquet a l’obligation de notifier à l’UTRF, les décisions définitives de la juridiction saisie, aux termes de l’article 18 de la loi 43-05.
Abdessamad NAIMI
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