Un internaute qui partage une fake news est-il complice? «L’article 129 du code pénal réprimant la complicité ne s’applique pas. En pratique, une ou deux personnes seront interpellées. Mais pas des milliers d’internautes. Le risque d’une injustice pèse dans ce cas. En revanche, les enquêteurs s’intéressent particulièrement aux fausses nouvelles portant atteinte à la sûreté intérieure», nuance l’avocat pénaliste Rachid Diouri.

La DGSN reconnaît que le débat juridique sur «l’élément intentionnel et la charge de la preuve» reste toujours de mise dans une procédure judiciaire.
Ce débat pousse des ONG de défense des droits numériques à alerter sur les écarts d’une législation trop répressive. «Les fake news ne constituent pas un groupe homogène de contenus. Les législateurs devraient seulement se concentrer sur les informations qui sont fausses, inexactes et trompeuses, ainsi que sur celles conçues pour porter préjudice à la société en manipulant les gens ciblés par ces informations», recommande La Civil Liberties Union for Europe (Liberties ).
Les informations «juste fausses ne sont pas systématiquement» des fake news. Leur but «n’est pas de manipuler» l’opinion publique «de manière intentionnelle», plaide Me Eva Simon. Cette avocate travaille depuis 20 ans dans le domaine des droits numériques. Elle est spécialiste des questions liées à la liberté d’expression et la vie privée. Si ce débat fait rage à l’étranger, il va certainement resurgir chez nous.

Après la polémique sur le code numérique «avorté» (L’Economiste n°4172 du 16 décembre 2013), le Conseil du gouvernement a adopté le 19 mars 2020 le projet de loi n°22-20 relatif à l’utilisation des réseaux sociaux et similaires. Tout en garantissant la liberté de communication, le texte élaboré par le ministère de la Justice réprime les délits et crimes commis via les réseaux sociaux, impose des obligations aux prestataires et prévoit des sanctions. Pour l’heure, le projet de loi n°22-20 n’a pas encore atterri au Parlement.
Un gros débat public en perspective. «En sortant de la crise, combien de fake news vont-elles construire des politiques dangereuses? Il ne faudra pas oublier que le risque va être très grand», avertit l’éditorialiste Nadia Salah. Cela concernera-t-il par exemple une loi sur les médias?
«Une loi peut toujours être présentée comme ayant pour fin d’assainir le débat politique. Mais qui pourrait être autoritaire, voire totalitaire», nous répond l’éditorialiste. Le droit peut aussi «figer des erreurs de pensées momentanément dominantes», mais néfastes à moyen terme. Société civile et parlementaires doivent rester sur le qui-vive.
F.F.
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