
Pour Khadija Rougani, membre du collectif Printemps de la dignité, «la philosophie du projet de Code pénal est appelée à intégrer la logique de protection des droits et libertés, dans tous ses aspects, notamment à travers la mise en place de mesures préventives, qui garantissent la non-violation de ces droits
- L’Economiste: Quelles sont vos conclusions suite à la rencontre organisée par le CNDH concernant les défaillances du projet du Code pénal?
- Khadija Rougani: Il s’agit des mêmes remarques émises par les associations féministes mais aussi par le CNDH, qui avait déjà élaboré un mémorandum dans ce sens. Aujourd’hui, nous considérons que la législation pénale est incapable de protéger les femmes. Et le nouveau projet a repris la même philosophie traditionnelle, conservatrice, qui n’est pas en phase avec l’évolution que connaissent les droits de la femme au Maroc. Parallèlement, il faut dire aussi que la structure du nouveau projet n’est pas liée à une vision claire pour la protection des droits. Et globalement, nous considérons que le ministère de la Justice a opté pour une approche de sanction. Or, celle-ci est seulement un outil au service de la politique pénale, qui doit s’éloigner de la logique de la vengeance.
- Comment cela peut se traduire concrètement?
- La politique pénale est appelée à prendre en considération les dimensions consacrées par la Constitution en termes de protection des libertés. Cela peut passer par la dépénalisation de certaines pratiques, comme la rupture médicale de la grossesse ou les relations sexuelles hors mariage. Sur ce point, nous constatons un décalage au sein de la législation marocaine, puisque le Code de la famille prévoit des dispositions reconnaissant la grossesse survenue lors de la période de fiançailles, qui ne peut pas être assimilée au mariage. En face, nous assistons au maintien de certaines dispositions qui ne favorisent pas le renforcement de la protection des libertés. Par exemple, le projet du Code pénal laisse au magistrat un pouvoir discrétionnaire dans l’interprétation de certains faits relatifs à ces sujets de société. Ceci est dangereux dans la mesure où l’idéologie du juge devient la référence pour sanctionner certains actes.
- Peut-on s’attendre à une confrontation entre modernistes et conservateurs sur ces sujets qui fâchent?
- Les élites sont appelées à assumer leur responsabilité historique. Aujourd’hui, il est important de secouer la société et élever le niveau du débat. Surtout que le Maroc a franchi des pas dans ce domaine, en approuvant une série de conventions internationales qui confortent cette orientation. C’est pour cela que le mutisme des élites est incompréhensible. Il est important de rompre avec l’hypocrisie liée à l’absence d’une volonté politique claire sur le sujet de la défense des libertés. Ce n’est pas normal de maintenir certaines dispositions à exploiter dans des visions politiciennes, comme cela a été le cas après les scandales des dernières semaines et l’arrestation de personnes accusées d’homosexualité. Or, il s’agit clairement d’une incitation à la haine, qui ne correspond pas à l’orientation voulue en termes d’égalité et de promotion des droits.
Propos recueillis par Mohamed Ali MRABI
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