
«Nos prévisions en termes de recettes ont fondu et aujourd’hui, les producteurs ont des difficultés de trésorerie. Il est donc urgent que des mesures de sauvegarde de la filière soient mises en place pour faire face à la prochaine campagne», souligne My M’hamed Loultiti, président de Maroc-Citrus pour la filière agrumicole
- L’Economiste: Le secteur agrumicole est en fin de campagne d’exportation. Quel bilan dressez-vous de l’activité?
- Moulay M’hamed Loultiti, président de Maroc-Citrus: Nous venons de vivre une des plus mauvaises campagnes de l’histoire de la filière. Le plan Maroc Vert a véritablement encouragé l’investissement. Grâce au soutien de l’Etat, les plantations ont augmenté de 40% et l’irrigation localisée s’est renforcée de 80%. Ce qui a porté la production à 2,2 millions de tonnes au titre de l’actuelle saison. Le renforcement de la production s’est particulièrement traduit par celui des petits fruits et, cette année, nous devions normalement récolter les premiers résultats de tout notre travail. Mais la commercialisation, aussi bien à l’intérieur qu’à l’export, n’a pas suivi cet élan. Plusieurs événements et facteurs ont annihilé tous nos efforts. Suite à un démarrage de campagne raté, en raison d’une cueillette précoce et d’un climat très chaud sur les pays de destination des produits, notamment la Russie, d’où une faible consommation, nous avons essayé de rattraper la situation. Mais la variété clémentine constitue plus de 66% des exportations d’agrumes et donc les mauvais résultats au niveau de ses expéditions ont impacté toute la campagne.
- Les exportations sont concentrées en masse sur la Russie. Pourquoi?
- Ces dernières années, la filière a accusé de grosses pertes de parts de marché notamment sur l’Union européenne. Et ce, en raison d’une concurrence féroce de l’Espagne. Résultat: baisse de la demande de l’origine Maroc et concentration des exportations sur le marché russe. De plus, notre production se caractérise par un gros pourcentage de petits calibres qui ne peuvent être vendus qu’en Russie et sur les pays de l’Europe de l’Est. Mais sur cette place, les exportateurs souffrent, entre autres, de la dépréciation de la devise enregistrée cette année. Ils ont connu également de gros problèmes d’écoulement du produit en raison de la fermeture du marché de gros de Moscou à un certain moment suite à un fait divers.
- Avez-vous abandonné le marché européen?
- Non, pas du tout. Nous sommes en train de tenter de redresser la barre. Mais pour y arriver, il faut plus de réactivité pour faire le poids face aux origines ibériques sur les marchés proches de l’Espagne. Il est possible de développer nos parts de marché de la clémentine en offrant un produit de qualité et en acceptant un prix moyen. Nous pouvons aussi nous distinguer et mieux pénétrer les circuits de distribution avec les variétés tardives telles que Noor et Afourer.
- Quid des marchés américain et africain?
- Ces deux marchés sont très porteurs, mais pour aller de l’avant sur les Etats-Unis, il est important tout d’abord de développer nos infrastructures portuaires d’expédition, même si ce marché reste difficile d’accès. Le cold treatment est incontournable d’où un transit time plus long avec risque de fragilisation du fruit. Le développement sur l’Afrique nécessite aussi la mise en place d’une logistique et un accompagnement en termes notamment d’assurances. D’autres marchés lointains sont à explorer, mais des aides institutionnelles sont nécessaires pour y arriver. Le coût du transport sans oublier les contraintes phytosanitaires sont parmi les freins à la diversification de nos marchés.
- Quelle stratégie comptez-vous mettre en place?
- A mon avis, il faut tout d’abord gérer la situation conjoncturelle difficile que nous vivons. Nos prévisions en termes de recettes ont fondu et aujourd’hui, les producteurs ont des difficultés de trésorerie. Il est donc urgent que des mesures de sauvegarde de la filière soient mises en place pour faire face à la prochaine campagne. Il serait bon également, pour maintenir l’équilibre commercial de l’origine Maroc, de mettre en place, comme dans d’autres pays, des primes de retrait ou de régulation. Le développement du secteur repose aussi sur une organisation en interne et en externe de la filière. Il faut mettre fin, sur les marchés, à la concurrence maroco-marocaine et renforcer la coordination entre les groupes exportateurs. La filière restant, malgré tous ses problèmes, prometteuse et porteuse d’apport de devises ainsi que d’emplois.
Marché local peu normalisé
Pour le président de Maroc Citrus, le marché local est un pilier du développement de la filière export. C’est en effet un marché plus rémunérateur aujourd’hui et moins contraignant. De plus, il permet d’équilibrer l’offre à l’export. Mais il est encore marqué par une absence de normalisation, une prédominance d’intermédiaires et une transparence insuffisante des prix du marché. Il y a aussi un manque d’incitation à améliorer la qualité et surtout une réticence au changement, souligne-t-il. Il reste donc à achever son organisation. A ce sujet, la tutelle a promis des changements majeurs à partir de 2015. La démarche est d’importance à l’heure où le Maroc doit affronter les affres de la mondialisation et les effets imprévisibles d’une politique extérieure libéralisatrice.
Propos recueillis par Malika ALAMI
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