
Les importations de cahiers originaires de Tunisie ont graduellement augmenté de 6.111 tonnes en 2013 à 7.247 en 2015. Une légère baisse a été enregistrée en 2016 sans faire reculer la Tunisie de sa position de leader sur le marché
L’enquête antidumping ciblant les cahiers originaires de Tunisie va démarrer le jeudi 11 mai. Le département du Commerce extérieur donne ainsi suite à la plainte des producteurs marocains: Med Paper, Promograph et la Manufacture de papiers et fournitures (Mapaf). Ces trois opérateurs revendiquent 67% de la production nationale du cahier scolaire. Un pourcentage qui, conformément à la loi sur la défense commerciale, leur donne le droit de réclamer une enquête.
Deux autres entreprises (Imprimerie Moderne et Sopalemb) soutiennent la requête des plaignants alors même qu’elles n’ont pas participé à sa rédaction. Les plaignants ont ratissé large en termes de ciblage du produit: petit, grand et maxi format, grammage de papier entre 55 à 120 gm/m2, couverture souple ou rigide... De l’école au bureau, le cahier demeure un produit de grande consommation surtout durant la rentrée scolaire.
Ce qui donne à ce dossier un goût assez particulier eu égard à ses enjeux pour le consommateur final. Les enquêteurs, eux, estiment qu’il y a des éléments «objectifs et suffisants» pour ouvrir des investigations. Cette décision a été émise après avis de la Commission de surveillance des importations où siègent plusieurs administrations comme la Douane et l’Office des changes.
Un droit de douane nul
La marge de dumping revendiquée par les plaignants dépasse largement le niveau minimum des 2%. C’est le minima fixé par les règles du commerce international établies par l’OMC. La Tunisie représente environ 89% des importations de cahiers enregistrées en 2016, soit 6.756 tonnes (voir infographie). Les marges de dumping établies par les plaignants vont de 50 à 120%. Les prix des tunisiens «défient toute concurrence» au point «de ne laisser aucune place» pour les autres exportateurs étrangers «incapables de pratiquer des prix aussi bas sur le marché marocain», note le département du Commerce extérieur.
Son rapport d’ouverture d’enquête apporte un autre éclairage sur les difficultés du secteur. Des marques de cahiers emblématiques pour toute une génération d’écoliers marocains ont disparu des étalages. Somapa et Aiglemer ne sont pas les seules à avoir été mises en liquidation judiciaire.
D’autres, comme Amiprint et Graphomed, semblent avoir arrêté leurs productions en attendant plus de visibilité sur l’avenir du secteur. Un producteur comme Carrefour Technologie a plutôt mis en veilleuse «sa nouvelle machine» le temps de voir venir des jours meilleurs.
Le début de ces péripéties économiques traversées par le secteur remonte aux années 2000. Une décennie où le cahier tunisien a fait pour la première fois son entrée sur le marché local au côté de son concurrent turc (cf. L’Economiste n°1602 du16 septembre 2003). Sa percée au niveau des importations peut s’expliquer aussi par un droit de douane nul. La Tunisie est en effet l’un des quatre pays signataires en février 2004 de l’Accord de libre échange d’Agadir. C’est d’ailleurs une autre particularité de ce dossier. Après l’Egypte et l’enquête antidumping ayant ciblé son contreplaqué latté, voici le tour du cahier scolaire tunisien.
Les investigations ne concernent pas ici le produit subventionné par l’Etat (cahier numéroté). Autre précision: seuls les producteurs-exportateurs qui ne respectent pas les règles seront visés par la taxe antidumping. Ce bouclier douanier permet de réajuster les prix et à remédier aux distorsions du marché. Encore faut-il que l’enquête aboutisse à l’existence avérée du dumping et du dommage. Pour l’heure, les producteurs marocains concernés évoquent «des perturbations du secteur» et «ses effets négatifs sur les prix de vente, la part de marché, les stocks...». Toutefois, ce n’est pas la première fois que le papier se retrouve au cœur d’une investigation soupçonnant l’existence d’une concurrence déloyale.
Le papier A4 originaire du Portugal y est déjà passé. Et c’est justement l’un des trois plaignants qui avait réclamé l’enquête. Med Paper, qui a fini par avoir gain de cause, se retrouve ainsi pour la seconde fois de son histoire mêlée à une affaire de défense commerciale.
Ce dossier se démarque par un autre signe distinctif. C’est la première fois que le département du Commerce extérieur cite dans son rapport un cabinet d’avocat... marocain. «Sayarh & Menjra» ont été mandatés par les plaignants pour instruire et défendre leur dossier. Une jeune femme trentenaire, Marie-Sophie Dibling, chapeaute son pôle défense commercial. Ce discret cabinet d’avocat d’affaires a été créé pourtant dans les années 1970. Venue tout droit de Bruxelles, Me Dibling n’en est pas à son premier essai: réfrigérateurs, céramiques...
La récurrence des dossiers a poussé les praticiens à développer ce créneau du droit du commerce international. Et ça ne fait que commencer dans un métier encore à l’âge de pierre comparativement aux anglo-saxons et aux européens. Avec le cahier tunisien, l’Etat marocain ouvre sa 10e enquête antidumping. Exportateurs américains, mexicains, turcs, chinois et européens ont déjà été ciblés par ce type de procédure et avec succès.
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