Page 8 - Formation continue : Une loi pour rien ?
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Formation continue: Une loi pour rien?
n Aucune avancée majeure
depuis l’introduction du
nouveau texte en 2018
n Le patronat espère du
concret en 2024
IL y a cinq ans, les entreprises
pensaient pouvoir enfin bénéfi-
cier d’un système de gestion et de
financement de la formation conti-
nue simple et efficace. Un système
revisité, qui leur permettrait de faire
monter leurs collaborateurs en com-
pétence, sans passer par un véritable
parcours du combattant pour le rem-
boursement. Cinq ans après, c’est
la désillusion. Covid est passé par
là, et le gouvernement El Othmani
a lancé la patate chaude à son suc- Seule une infime partie des entreprises continue de bénéficier du mécanisme de remboursement de la formation continue, pour un bud-
cesseur en octobre 2021. Les prin- get annuel autour de 700 millions de DH
cipales dispositions de la loi 60-17 clusion économique, Younes Sekko- le jour. Parmi les acquis également, nisme qui a cessé de fonctionner,
relative à la formation continue, uri. Nous devrions avoir du concret l’intégration de la formation à l’ini- depuis qu’il l’a quitté fin 2020. Les
promulguée en octobre 2018, sont pour 2024», confie Karim Cheikh, tiative des actifs, qu’ils soient sala- collaborateurs sont, en outre, cen-
restées lettre morte. Les procédures président de la commission Capital riés ou non, et non plus seulement sés bénéficier d’un congé formation
sont toujours aussi compliquées et humain de la CGEM. Le patronat des entreprises. «Il s’agit d’un ac- de trois jours par an, cumulables
seulement 0,5% des entreprises, avait présenté des amendements au quis formidable, pour lequel nous sur cinq ans. Le schéma revisité
selon la CGEM, parmi les plus nouveau texte en 2022. Depuis, pas avons bataillé», souligne Mohamed prévoit, par ailleurs, des bilans de
grandes, continuent de profiter des de nouveautés. Slassi Sennou, membre du Conseil compétences pour les salariés, ainsi
remboursements. supérieur de l’éducation, ancien pré- que le mécanisme de validation des
Le patronat garde néanmoins Ce qui devait être réalisé sident de la commission Formation acquis de l’expérience profession-
espoir en un dénouement rapide professionnelle au sein de la CGEM. nelle (voir page X), leur permettant
pour ce dossier. «La gouvernance La loi a apporté plusieurs avan- Il est aussi ex président du directoire de faire valoir leur expérience pour
prévue par la nouvelle loi n’est pas cées, à commencer par une nouvelle de l’Observatoire des métiers et décrocher des diplômes ou certifi-
encore en place, et des décrets ne structure rattachée à l’Ofppt, char- compétences des branches profes- cats. Là encore, pas de concret. o
sont toujours pas publiés. Mais nous gée de préparer un plan d’action sionnelles de la CGEM. Un orga- Ahlam NAZIH
ne désespérons pas, car nous avons annuel pour la formation continue.
l’engagement du ministre de l’In- Une entité qui n’a toujours pas vu
Les réserves des employeurs
Un dispositif simple et digitalisé
TOUTES les dispositions de la nouvelle loi sur la formation pro-
«CE que nous souhaitons, c’est un dispositif fessionnelle n’ont pas reçu la bénédiction du patronat. En termes de
simple avec une structure autonome pour la gouver- gouvernance, par exemple, l’Ofppt a été mis au centre de tout le dispo-
nance, et un système digitalisé. Les entreprises en ont sitif. Or, sa «mainmise» depuis de nombreuses années sur le système a
marre de remplir des papiers! Il y a aussi la loi-cadre longtemps été mal perçue, certains considérant que le bras formation
sur l’enseignement qui évoque la formation tout au de l’Etat est à la fois «juge et partie». «Le financement fait également
long de la vie, la formation par apprentissage, la for- partie des points noirs. En élargissant le champ des actifs concernés
mation par alternance… Avec tous ces mécanismes nous passons de 3 à près de 10 millions de bénéficiaires potentiels,
les entreprises seraient gagnantes. Il faudrait qu’ils Karim Cheikh, président de mais sans ressources supplémentaires. Le montant alloué jusque-là est
soient mis en chantier de la manière la plus transpa- la commission capital humain déjà largement insuffisant», estime Mohamed Slassi Sennou.
rente et la plus correcte possible». de la CGEM (Ph. Privée) La formation continue est financée par la taxe sur la formation
professionnelle payée par les entreprises. 30% de cette taxe y sont
Besoin d’un leadership institutionnel consacrés, tandis que 70% sont alloués à la formation initiale des sta-
giaires de l’Ofppt. Chaque année l’enveloppe accordée tourne autour
de 700 millions de DH, pour près de 1.500 entreprises bénéficiaires.
«RIEN ne nous empêche de commencer à
jeter les bases de cette réforme et de sortir les Pour en profiter, les sociétés passent toujours par les contrats spéciaux
décrets. Nous avons tous les éléments pour tra- de formation (CSF) et les Groupements Interprofessionnels d’Aide au
vailler, malheureusement, nous ne rassemblons Conseil (GIAC), alors qu’ils sont censés disparaître.
pas tous les puzzles dont nous disposons pour Le patronat a, par ailleurs, émis des réserves sur le congé formation
créer l’image que la vision stratégique nous pro- individuel et sur le financement de la formation initiée par le salarié
met. Pour avancer, nous avons besoin d’un lea- Mohamed Slassi Sennou, lui-même. «Ainsi, la loi, telle qu’elle a été construite reste inappli-
dership institutionnel capable de porter ce projet membre du Conseil supérieur cable», déplore Slassi.o
et d’affronter toutes les difficultés».o de l’éducation (Ph. Privée)
Vendredi 8 Décembre 2023