
Beaucoup se demandent à quoi jouent les statisticiens quand ils affichent des taux de croissance différents. En période électorale, cela compte. Les ministres et leurs partis respectifs veulent les avoir de leur côté pour se faire élire ou réélire. Cela marche aussi dans l’autre sens, quand les opposants veulent prendre les places au Parlement et si possible au gouvernement. Le taux de croissance est devenu une mini-arme de guerre, d’autant plus importante que le taux est maigre.
Mais les citoyens, eux, sont souvent agacés devant les différences: un taux de croissance à 2% va être remplacé par un autre plus petit ou plus gros, puis viendra la Banque mondiale ou le FMI pour donner encore un autre chiffre… L’impression est que la confusion règne.
En fait, il faudrait exiger des statisticiens qu’ils expliquent davantage leur méthode et qu’ils précisent les dates. Les différences ne tiennent qu’à cela. Encore faut-il le dire et le redire, pour que l’idée de chiffres flous et faux ne s’installe pas.
Pendant ce temps, de nombreuses voix s’élèvent pour réclamer des «remises en ordre».
Ce n’est pas toujours innocent: avec un argument raisonnable, certaines de ces demandes ont un objectif très particulier: s’arroger le monopole de la statistique et interdire à quiconque d’en produire en dehors de ce monopole.
Nul besoin d’un dessin: tout le monde comprend très vite à quoi servirait un monopole de la statistique doublé d’un monopole de l’analyse de ces statistiques.
Contrairement au Maroc, la Tunisie de Ben Ali ne se plaignait pas de la multiplicité des chiffres et de leurs interprétations. Et pour cause, ils étaient rares et tous glorifiaient le gouvernement... Moyennant quoi, ces gouvernants eux-mêmes ne savaient pas que le développement ne concernait qu’un petit bout du pays…
Tout compte fait, on préfèrera un flou irritant à un ordre suicidaire.