
UN an après l’investiture de Mohamed Morsi, les Egyptiens semblent, encore une fois, à deux doigts de descendre dans la rue pour faire pression sur le régime des Frères musulmans. Le mouvement Tamarrod (ndlr: littéralement rébellion), créé en avril pour demander le départ de Mohamad Morsi, multiplie les actions percutantes. Après avoir réuni plus de 15 millions de signatures pour une pétition réclamant la tenue d’élections présidentielles anticipées, le mouvement appelle à manifester le dimanche 30 juin, date anniversaire de l’investiture de l’actuel président, pour lui signifier leur mécontentement.
Tamarrod reproche au président de concentrer le pouvoir entre les mains des islamistes, sans pour autant répondre aux revendications qui ont déclenché la révolution de 2011, le propulsant quelques mois plus tard à la tête du pays. Les choses semblent même avoir empiré, et le climat est de plus en plus marqué de coupures de courant, la hausse du chômage (12,5% en 2012), d’inflation (qui atteint les 8,2% en mai 2013) et de pénuries d’essence.
Autant de raisons puisées dans le quotidien des citoyens qui rendent la «re-révolution» possible, puisque le désenchantement touche toutes les classes sociales.
La situation de la femme, déjà peu amène, a aussi connu un recul considérable. Morsi ne peut même pas acheter la paix sociale en augmentant les aides directes, vu l’état comateux de l’économie du pays. La dette extérieure atteint les 73,2% du PIB, et ce pourcentage ne cesse d’augmenter au gré des prêts du FMI et de l’Occident.
A tout cela s’ajoutent une insécurité latente et un risque de «chaos» de plus en plus important. En effet, les partisans de Morsi, estimant que le président assainit la classe politique sclérosée par la corruption, et que «toucher à sa légitimité c’est s’attaquer à la démocratie» puisqu’il a été élu par scrutin, ne comptent pas laisser-faire ses adversaires sans réagir. Un rassemblement des pro-Morssi, prévu deux jours avant la grande manifestation du 30 juin, risque fortement d’aggraver les tensions.
Dans son récent discours, Morsi a fait son mea culpa, mais pour lui, faire des erreurs c’est humain, tant que l’on s’attelle à les corriger. Les Egyptiens sont-ils prêts à lui redonner une chance? La réponse à cette question sera notamment définie par l’évolution du bras de fer qui se joue dans la rue.
En attendant, c’est à l’armée que cette situation profite le mieux. Surpuissante sous Moubarak, son image a été ternie par les violences durant la période de «transition démocratique». Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui s’interrogeaient sur son silence, et sa décision d’ «intervenir en cas de violences» a été majoritairement perçue comme une bonne nouvelle. Morsi, qui avait réussi le pari fou de museler cette institution qui a longtemps tenu les rênes du pays, est donc en train de perdre pied de ce côté-là aussi.
Rime AIT EL HAJ
Chère lectrice, cher lecteur,
L'article auquel vous tentez d'accéder est réservé à la communauté des grands lecteurs de L'Economiste. Nous vous invitons à vous connecter à l'aide de vos identifiants pour le consulter.
Si vous n'avez pas encore de compte, vous pouvez souscrire à L'Abonnement afin d'accéder à l'intégralité de notre contenu et de profiter de nombreux autres avantages.