
Les médecins de la ville de Fès sont intrigués par la «mystérieuse» suspension des prélèvements RT-PCR au niveau des trois laboratoires privés de biologie médicale. Ces laboratoires avaient pourtant été autorisés par le ministre de la Santé Khalid Aït Taleb, après l’aval de l’Institut national d’hygiène (INH). Ils répondaient aux exigences du cahier des charges relatif au dépistage du Covid dans le secteur privé.
Pour rappel, 19 laboratoires avaient été autorisés par le ministère de la Santé à dépister le coronavirus un peu partout au Maroc, excepté à Marrakech. A Rabat, comme à Meknès, les prélèvements RT-PCR s’opèrent généralement sous des tentes mitoyennes à ces laboratoires.
Dans d’autres villes, les tests de dépistage sont prélevés au niveau des circuits Covid ou à domicile. A Fès, trois laboratoires ont tenté les mêmes démarches pour répondre à une véritable demande. «Car de nombreuses personnes symptomatiques cherchent un dépistage privé, faute de disponibilité dans le secteur public», explique-t-on.
A Fès, les laboratoires ont investi entre 1 et 3 millions de DH pour préparer leur nouvelle activité. Deux d’entre eux avaient démarré avec un dépistage «massif», et naturellement une flambée du nombre de cas «positifs». D’ailleurs, la ville enregistrait plus de 200 nouvelles contaminations quotidiennes, au point que «les postes de contrôle de sécurité de la wilaya se multipliaient cherchant à maîtriser la situation».
Le troisième laboratoire a été freiné bien avant le démarrage des tests, sous prétexte que ses voisins n’étaient pas d’accord avec sa nouvelle activité (PCR). Or celle-ci devait être opérée dans un autre local. Une démarche notifiée par courrier au Secrétariat général du gouvernement comme stipulé par la loi. Au final, ces laboratoires ont a été appelés à stopper toute activité PCR, suite à une inspection ministérielle «convoquée par les autorités locales». Ils ont même reçu une mise en demeure du SGG alors que son matériel PCR était déjà emballé.
Bref, après suspension des tests de dépistage dans les laboratoires privés, le nombre des nouveaux cas a baissé, mais l’indicateur de létalité a augmenté. En outre, face à l’insuffisance de test PCR, des retards sont enregistrés au niveau des dépistages, les cas se compliquent et le risque de contamination augmente.
Actuellement, le compteur officiel quotidien affiche depuis plus d’une semaine moins de 20 nouvelles contaminations. A défaut d’effectuer un test PCR, les personnes suspectant une infection se rabattent sur des scanners pulmonaires dans des cliniques. Les résultats sont souvent inquiétants. Dans une seule clinique, sur 14 scanners opérés en début de semaine, 11 montraient des lésions pulmonaires dues au Covid-19.
L’implication du secteur privé reste essentielle pour lutter contre la pandémie, selon les professionnels. Une nouvelle circulaire du ministre de la Santé, datée du 21 septembre 2020, donne plus de latitude aux directeurs régionaux et aux autorités locales pour l’octroi des autorisations aux laboratoires d’analyses. «Toutefois, nous espérons que ce virage ne compliquera pas davantage le processus d’approbation des demandes d’autorisation», conclut un médecin.
«Fès est loin d’être un modèle!»
De l’avis des professionnels de santé et même des membres du comité scientifique, les tests sérologiques adoptés par les centres de proximité, dans l’intérêt du dépistage du Covid, ne sont pas recommandés. «Il ne faut pas crier victoire sur la base de données biaisées. L’expérience de Fès dans la lutte contre le Covid est loin d’être un modèle», estime un médecin. Et d’affirmer «qu’en l’absence de test PCR, il n’y aura pas de nouveaux cas». «No test, no Covid» est d’ailleurs le nouveau slogan qui circule dans les couloirs du CHU Hassan II de Fès. Le vrai risque est, selon des médecins, «de se retrouver avec une population qui croit réellement que Fès a vaincu l’épidémie, alors que le virus fait encore des dégâts». L’autre risque est de continuer à faire des tests PCR dans des circuits parallèles, faute de disponibilité, ou de traiter «clandestinement le Covid dans certaines cliniques».
De notre correspondant permanent, Youness Saad Alami
Chère lectrice, cher lecteur,
L'article auquel vous tentez d'accéder est réservé à la communauté des grands lecteurs de L'Economiste. Nous vous invitons à vous connecter à l'aide de vos identifiants pour le consulter.
Si vous n'avez pas encore de compte, vous pouvez souscrire à L'Abonnement afin d'accéder à l'intégralité de notre contenu et de profiter de nombreux autres avantages.