Pour endiguer la propagation de la coronavirus dans les lieux de détention, le Maroc, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Niger ont décidé de libérer des dizaines de milliers de détenus, en particulier celles et ceux qui, condamnés pour des actes exempts de violence, ne représentaient pas de danger pour la collectivité.

Il faut savoir que l'explosion de la population carcérale dans le monde, au cours des trente dernières années, doit beaucoup à la criminalisation de la consommation et de la possession de drogues. Aujourd'hui, un détenu sur six est en prison pour une telle infraction non violente aux lois sur les stupéfiants!
Leur libération est un aveu de notre incapacité à les protéger derrière les murs où ils sont enfermés, voire que leur incarcération n'était ni utile, ni justifiée.
Les vulnérabilités multiples

La responsabilité de protéger la santé et la dignité des détenus – qui incombe à l'Etat qui les a enfermés – ne cesse d’ailleurs pas à leur sortie. Ces personnes ne peuvent pas être simplement renvoyées à la rue, au double risque de la pandémie du coronavirus et de la consommation de drogues, à l'absence de prise en charge sociale et médicale, en un mot à leurs multiples vulnérabilités.
Car l’état d’urgence rend la situation des populations marginalisées ou stigmatisées encore plus difficile. Le confinement de la population, le ralentissement de la vie économique, la réorientation des dépenses publiques vers la lutte contre la pandémie menacent les organisations et les institutions qui ont démontré qu'il était possible, et nécessaire, d'offrir des services de traitement et de réduction des risques aux personnes qui consomment des drogues, et en particulier celles qui ont développé une dépendance à ces substances.

Les populations «à risque» ne sont pas vulnérables par nature, ni ne représentent par elles-mêmes un risque pour la société. Elles le deviennent lorsqu’elles sont livrées à la vindicte populaire par intérêt politicien, harcelées par des interventions policières discriminatoires et stigmatisantes, empêchées d'accéder aux soins et à d'autres services publics lorsque ces derniers existent, privées de logements et de perspectives économiques.
La pandémie du coronavirus est une occasion de remettre les choses à plat, de renouer le lien et le dialogue avec nos jeunes générations. Ne la manquons pas.

Les vrais outils de lutte
L’addiction est elle aussi une maladie: une maladie chronique, selon la définition de l’OMS. Elle est donc sujette à des rechutes, et exige non seulement des traitements adaptés à chaque situation individuelle, mais des soutiens en termes d’intégration sociale.
Ni la lutte contre le coronavirus, ni celle contre la surpopulation carcérale, urgentes l’une et l’autre, ne doivent limiter l’attention et les moyens accordés aux services sociaux, aux lieux d’accueil à bas seuil, aux traitements de substitution, aux mesures de réduction des risques comme l’accès à du matériel d’injection propre, aux antagonistes aux opiacées pour prévenir la mort par overdose, entre autres.
C’est au contraire dans cette période tendue que ces dispositifs sont particulièrement nécessaires. Ils ont démontré, face à d’autres épidémies, leur efficacité en matière de santé publique, tant pour les personnes directement concernées que pour la collectivité.
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