
En donnant au gouvernement le pouvoir exclusif de nommer la grande majorité des hauts fonctionnaires, la Constitution ouvre une possibilité de transformer le jeu politique du pays.
En effet, quand un nouveau gouvernement a le droit de choisir librement des milliers de fonctionnaires de haut rang, le système peut glisser vers la conception américaine. Cette dernière est connue sous le nom de «spoil system», système des dépouilles (plus brutalement dit: avoir la peau de son prédécesseur, le tuer et prendre ses biens). L’idée est simple: le nouvel arrivant aura ainsi l’administration à sa main. De ce côté-ci de l’Atlantique, on se méfie de ce système. En Europe comme au Maroc, on considère qu’il y a une permanence de l’Etat dépassant les conjonctures politiques. Ainsi, Allemands et Français crient au scandale si leur gouvernement abuse de son droit de nommer. L’Europe va très loin dans cette voie en protégeant les fonctionnaires contre les décisions politiques.
Au Maroc, avec la force polarisante du Trône, il est évident que notre pays appartient à l’école de la permanance de l’Etat. Il était donc intéressant de voir ce qu’il adviendrait avec cette possibilité d’établir un «morrocan spoil system» surtout qu’il était inquiétant de voir la force et la prégnance des fausses idées répandues (sciemment ?) sur le sujet. Pour l’instant, il y a eu des dérapages, mais pas de remise en cause fondamentale des usages.
En revanche, il faudra bien retenir que cette très longue crise gouvernementale c’est l’administration qui a fait marcher le pays. Et ce malgré les critiques qu’elle essuie tous les jours, malgré une débâcle financière comme le Maroc en a rarement connu et malgré une chaotique perte de références. Il faudra que tous les gouvernements s’en souviennent: la force des choses a choisi de ne pas donner du poids au spoil system qu’introduit (malencontreusement?) la nouvelle Constitution.
Nadia SALAH