
La Banque mondiale a identifié un curieux phénomène, le «piège de l’émergence»: un pays accédant à l’émergence, s’emprisonne alors dans une gestion financière qui le bloque, parfois le fait régresser.
Y aurait-il aussi un «piège législatif»? Un piège qui enfermerait un pays ayant progressé dans ses institutions, dans sa gestion des affaires publiques… mais qui, au seuil du droit moderne et dynamique, se mettrait à patauger dans de vieux réflexes?
On peut inventer ce concept au Maroc. De nombreux professeurs s’absentent? On leur interdit de se former, sans jamais parler de la hiérarchie scolaire qui ferme les yeux. Une majorité de deux-roues circule sans homologation? On veut imposer à chaque propriétaire d’aller homologuer lui-même son vélomoteur ou son triporteur, au lieu de prendre l’affaire en main aux frontières et avec les importateurs. Il y a trop de fraude fiscale et les recettes stagnent? On multiplie les redressements fiscaux chez ceux qui sont en règle parce que c’est plus facile de les intimider en menaçant de bloquer leur travail. Une moitié des salariés ne sont pas déclarés? On ne fera d’inspection que chez les entreprises déclarantes parce que les autres «n’existent» pas.
Y a-t-il un seul secteur qui échappe à ce phénomène où la solution engendre un mal bien plus grave que celui que l’on voulait guérir.
On en rit, mais c’est d’un rire bien jaune, bien triste: la démocratisation à laquelle nul n’a intérêt à renoncer donne de plus en plus de pouvoir à des personnels politiques faiblement compétents, mais attachés à leur autorité, y compris sur le personnel administratif. Quadrature du cercle? Non, car il y a un moyen et un seul de surmonter cette difficulté, toujours le même, laisser les médias travailler pour que le plus grand nombre de personnes sache où sont les problèmes et quelles solutions universelles apporter. Exactement ce que nos politiciens ne veulent pas.o
Nadia SALAH
Nadia SALAH