
Les crises ont souvent fait le lit des pires démagogies. D’abord les crises. Ce sont celles de la bombe sociale dont la mèche se consume sous nos yeux depuis plusieurs mois sans que cela ne suscite un sursaut politique ou une stratégie gouvernementale.
Un indicateur traduit à lui seul l’ampleur des exclusions, celui des NEETS (not in education, employment or training), ces jeunes qui ne sont nulle part, ni à l’emploi, ni en formation ni à l’école. L’Economiste a d’ailleurs été le premier média à prendre position sur ce dossier, convaincu de la gravité de la situation. Ils sont près de 1,7 million de jeunes entre 15 et 24 ans à être dans cette catégorie et 2,7 millions si on l’élargit aux 15-29 ans.
C’est un sujet dont il faut s’occuper urgemment, Al Hoceïma ou pas. Il n’est même pas certain que la ville du nord soit la plus touchée par la crise, l’attitude du gouvernement n’aidant particulièrement pas à décrypter les vrais détonateurs, entre les hypothèses séparatistes et celles des déterminants sociaux que laissent entrevoir des joutes verbales entre El Othmani et le PAM au Parlement.
Ensuite les démagogies. Ce sont celles de Zefzafi, le meneur de l’activisme d’Al Hoceïma qui a su faire mouche dans un premier temps pour galvaniser les foules, en surfant sur le mécontentement populaire avec au passage une dose de religiosité pour empoisonner le climat. Passé maître dans l’art de détruire les réputations (tout y passe, gouvernement, wali, autorités...), il a nourri sa mobilisation de l’effet amplificateur d’internet où quiconque installé derrière son écran peut devenir un tribun séduisant ou un affabulateur-manipulateur.
Depuis vendredi, son mouvement semble cependant dévier vers un inquiétant mécanisme, où les premières marches pacifiques sont en train de se transformer en prêcheries de mosquées, confisquées et conspuatrices, en caillassages des forces de l’ordre et attaques de symboles des institutions. Des actes qu’aucun Marocain ne peut cautionner. Le mouvement perd dès lors de sa crédibilité.