
Y a-t-il plus de corruption aujourd’hui ou bien est-elle plus insupportable? Personne ne peut le savoir: la corruption ne se déclare pas, elle se sent. Et rien de plus subjectif qu’une sensation. Quoi qu’il en soit, il existe maintenant un momentum pour s’en occuper sérieusement.
Si, avec les experts, on suit l’idée selon laquelle toute société passe par trois phases, le Maroc serait dans la phase deux. Il a cessé de considérer que la corruption est une façon de redistribuer de l’argent vers les professions mal payées. Mais il est loin du stade de la prévention.
Globalement, l’opinion publique veut contrôler, attraper et punir. Encore très -trop- souvent, elle accepte comme valable le discours du corrompu et du corrupteur, expliquant que leur faute ne vient que de l’existence et la multiplication des fautes commises par les autres. Autrement dit, pas de responsabilité individuelle, juste la faute à tout le monde et donc à personne.
S’il y avait une échelle, disons que nous sommes dans le bas de la couche moyenne, avec un monde politique qui s’en préoccupe fort, qui a produit le discours répressif, mais qui a encore du mal à passer à la lutte proprement dite.
Par rapport à la période précédente, le progrès est puissant. Mais il est très lent. Cette lenteur est une spécificité marocaine. Pour le reste, le Maroc se moule dans ce qu’on a vu ailleurs.
La lenteur présente un danger: celui de rendre la lutte plus difficile parce que le désir de contrôle et de punition (voire de vengeance) n’est pas aussi efficace qu’on l’espère.
Souvent ce désir aboutit à rendre la corruption plus dure et plus chère, parce qu’elle est plus risquée. Les contrôles, s’ils ne sont pas intelligemment placés, augmentent les opportunités de faire payer les droits et les passe-droits. Exactement le contraire de l’objectif d’une politique de lutte. Exactement le contraire de ce que veut l’opinion publique.
Nadia SALAH