. Des audiences renvoyées aux calendes grecques . Plus de 70 grèves en 2010! En fin de compte, c’est toujours le justiciable qui paye les pots cassés. Pris en otage qu’il est depuis novembre 2009 par des grèves à répétition lancées par plusieurs syndicats, dont le chef de file est le syndicat démocratique de la justice (SDJ). Celui-ci revendique 75% de représentativité suite aux dernières élections professionnelles (L’Economiste du 8 décembre 2010). Plus de 70 grèves depuis le début de l’année. Ce feuilleton ne risque pas de s’arrêter. Un énième débrayage de 72 heures est annoncé pour les 28, 29, et 30 décembre et qui sera couplé dès mardi 28 décembre à des marches de protestation vers les délégations régionales de la Trésorerie générale, qui, selon les syndicats, symbolisent le ministère des Finances en région (voir encadré). Plusieurs villes sont concernées: Tanger, Casablanca, Kénitra, Fès, Oujda, Beni Mellal, Marrakech et Agadir. Un début d’année corsé aussi pour le ministre de la Justice, Mohamed Naciri, les avocats et les justiciables en particulier. Car les 12.000 greffiers qui, à eux seuls, représentent 80% des employés du ministère, comptent dès le 4 janvier 2011 s’engager encore un fois dans une grève de 72 heures. Ils s’accrochent bec et ongles à la réforme de leur statut. En attendant, Me Amine Hajji et ses confrères prennent leur mal en patience. Cet avocat au barreau de Casablanca ironise sur les prétentions de l’e-administration. Si la numérisation des dossiers au sein de la justice n’avait pas été entreprise sur le tard, «nous n’en serions pas là». Les avocats, surtout ceux qui plaident, doivent gérer leur agenda avec «des dossiers remis en l’état». Ce qui signifie que le juge décide le report de l’audience sans préciser de date. Conséquence, «des confrères sont obligés de se bousculer devant les rares bornes électroniques» pour voir où en sont leurs dossiers. Une justice restée dans «l’archaïsme des années 1950», regrette Me Hajji. La grève ralentit, voire supprime, les commodités liées à l’informatisation. Et retarde du coup cette vision modernisatrice de la justice dans laquelle s’insère ce projet financé à 70% par l’Union européenne. Sur le terrain, c’est «un calvaire», rapporte le bâtonnier de Settat, Abdelhak El Azizi. «Difficile de faire le travail d’une semaine en deux journées»: les fonctionnaires de la justice travaillent lundi et vendredi uniquement. Et encore, si l’on tient compte des heures effectives du travail moins notamment la prière du vendredi. La situation est telle que la Cour d’appel de Settat a accumulé un retard. «Ce sont 800 jugements qui attendent d’être retranscrits et cachetés. Alors que ce n’était pas le cas avant les grèves», relève le bâtonnier. Un retard qui rejaillit aussi sur les assureurs: sans jugement cacheté et notifié, pas d’indemnisation pour les victimes. La légalisation des signatures de traducteurs assermentés bloque aussi. Une formalité faite au tribunal et qu’exige administrations et consulats pour certains actes. Ce qui fait dire à Me Mouloud Bettache, également ex-bâtonnier de Casablanca, que «le cumul du retard engendre un cumul de travail». Et que les greffiers «devront le rattraper par la suite». Allusion à la retranscription des jugements notamment. L’urgence augmente le «risque d’erreur et qui peut porter atteinte aux droits des justiciable». Au barreau de Fès, on crie également à «la catastrophe». Ses 950 avocats sont à bout de nerfs à tel point «qu’ils insistent à manifester leur ras-le-bol». Le bâtonnier, Azzedine Benkirane, reconnaît qu’il devient difficile de les contenir: «Tout est en stand-by sauf les affaires délictuelles de flagrant délit». Est-ce à dire que la grève, un droit constitutionnel, mène aussi à porter atteinte à la liberté des justiciables? La question mérite réflexion. Surtout que la présomption d’innocence entre en jeu. Et là, le gouvernement El Fassi doit s’engager urgemment dans l’adoption d’une loi organique qui précise les conditions et les formes dans lesquelles s’exerce la grève. Et donner enfin une raison d’être à l’article 14 de notre Constitution qui garantit ce droit. D’où aussi une révision concertée de l’article 288 du code pénal. Pour que les règles du jeu soient au moins claires.
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