Le Pr. Fathallah Oualalou a été enseignant à l’université de Rabat, responsable et élu politique de l’USFP. Il a été le ministre des Finances qui est resté le plus longtemps en poste, durant deux législatures, de 1998 à 2007. En tant que ministre des Finances, il a aussi eu en charge les portefeuilles de la privatisation puis du tourisme. Fathallah Oualalou a déjà publié dans nos colonnes une remarquable réflexion sur le pouvoir et le changement, «De la théorie à la pratique: propos sur le changement et le pouvoir», cf. L’Economiste du 3 mars 2007Dans les deux premières parties, Fathallah Oualalou a étudié les changements de système qui se produisent à cause ou grâce à la crise. En particulier, le monde unipolaire dominé par l’Occident s’efface dans la douleur. Ceci impose de modifier les organes de régulation et les rôles des institutions multilatérales. Dans cette dernière partie, l’ancien ministre des Finances pose le cas du Maroc dans cette crise et milite pour la réhabilitation du politique. Il pose une stratégie en trois phases, le court, le moyen et le long terme.Si la crise financière a touché principalement les pays les plus développés de la planète, il est certain qu’elle aura des répercussions conjoncturelles et structurelles sur tous les pays. Ils devront gérer soit les conséquences des turbulences financières actuelles, soit celles de la récession des pays développés de 2009 et au-delà peut-être. Enfin, la crise actuelle donnera naissance à un nouvel équilibre mondial dont tireront plus profit certains que d’autres. Le court terme concerne pour l’essentiel le secteur financier. Il est clair qu’il n’y aura pas d’effet direct de la crise financière planétaire sur le secteur financier et bancaire marocain. La raison en est le fait que celui-ci est totalement déconnecté par rapport au complexe financier mondial. Les banques marocaines ne détiennent pas de titres américains, comme certaines banques européennes. Leur présence en Occident a un but: collecter l’épargne des MRE. En Afrique, leurs agences opèrent en qualité de banques classiques de dépôt. Le système bancaire marocain a été assaini ces dernières années, à l’occasion des actions de restructuration des anciens établissements financiers parapublics, et qui ont contribué à réduire très sensiblement la part des créances en souffrance et à consolider l’assise financière de ces institutions et plus généralement de l’ensemble du secteur bancaire. Les réformes profondes menées ces dernières années ont amélioré le fonctionnement du mode de financement du Trésor dans le sens de la transparence et permis la modernisation des trois composantes du système financier (banques, assurances et marchés financiers). De même, la réforme du statut de Bank Al-Maghrib dans le sens de l’autonomie de son action a permis de renforcer ses missions de contrôle et de supervision et d’utiliser tous les outils nécessaires pour maîtriser la politique monétaire et lutter contre l’inflation. Enfin, le maintien d’un système de contrôle des changes, qui correspond au niveau de développement du pays, malgré les mesures de libéralisation prises ces dernières années, a protégé l’économie marocaine des turbulences actuelles.Les baisses observées ces dernières semaines à la Bourse de Casablanca n’ont aucun lien objectif avec les désordres qui traversent les marchés financiers internationaux, même si ceux-ci peuvent avoir un impact psychologique. Elles sont dues au fonctionnement interne du marché de Casablanca, qui engendre, comme pour tout marché, des comportements spécifiques et déterminés des opérateurs. Il faut remarquer qu’après plusieurs années de hausse, la Bourse marocaine devrait subir les règles de la correction: pour tous les marchés, la correction est nécessaire et souvent salutaire. A moyen terme, il est important de tenir compte des conséquences de l’installation de la récession en Europe les prochains trimestres. Elle pourrait se traduire par une diminution de la demande de certains produits traditionnellement exportés par le Maroc vers l’Europe, par une baisse de flux de touristes européens au Maroc et par une réduction du rythme de progression des transferts des MRE. Sur ce dernier point, l’expérience a montré que, depuis dix ans, il n’y a jamais eu de baisse de ces transferts quelles que soient les fluctuations des économies européennes. C’est là une donnée intéressante à relever sur le comportement des MRE.Le Maroc devra redéployer sa politique touristique: tout en continuant à rester attaché à ses marchés traditionnels européens, il est important de promouvoir le Maroc touristique auprès de nouveaux marchés, tels la Russie, la Chine, l’Europe de l’Est, et bien sûr le Maghreb et le Monde arabe et ce, pour compenser les pertes qui pourraient provenir des marchés traditionnels. La baisse des prix des produits énergétiques et de certaines matières premières aura, bien sûr, un effet bénéfique sur la balance commerciale marocaine et sur les charges de la caisse de compensation. Par contre, la réduction des prix des produits alimentaires pourrait se traduire par celle des phosphates et des produits dérivés qu’exporte le Maroc. Il est vrai que les prix de ces produits ont connu, notamment en 2008, des hausses importantes.Plus généralement et pour conclure, au Maroc comme ailleurs, les règles du fonctionnement du capitalisme subiront des changements majeurs notamment au niveau des rapports entre l’Etat et le marché. Le politique est appelé à être réhabilité. Il faut espérer que cela se fera, pour ce qui concerne le partenariat public-privé, dans le sens de la transparence, l’efficience et l’équité. C’est l’occasion de faire une analyse critique du fonctionnement du politique afin d’avancer en matière de réformes de la gouvernance à tous les niveaux.
Toute analyse sur les effets, positifs ou négatifs, de la crise sur l’économie marocaine, doit tenir compte de sa nature et du positionnement géographique du Maroc: l’économie marocaine est une économie en développement, une économie à revenu intermédiaire, dont l’intégration dans le monde est portée par l’exportation de plusieurs produits: produits alimentaires, textiles, phosphates, et de certains services dont le tourisme et les transferts des MRE. Le Maroc est un pays totalement dépendant sur le plan énergétique puisqu’il importe charbon et hydrocarbures. Il est proche de l’Europe avec laquelle il réalise 70% de ses flux extérieurs: commerciaux, financiers, technologiques. Le Maroc a progressé ces dernières années grâce à l’assainissement de ses finances publiques, à la réduction de sa dette extérieure, à l’amélioration de son cadre macroéconomique, aux réformes qu’il a menées et qui ont touché son secteur financier, ses entreprises publiques. Il a lancé, avec un certain succès, des politiques sectorielles dans le tourisme, l’industrie, l’agriculture, l’habitat, l’eau, etc. Mais c’est un pays qui doit encore agir pour lutter contre le sous-développement, la corruption, la pauvreté, l’analphabétisme, etc.C’est donc à partir des atouts et des faiblesses du Maroc, qu’il convient de faire cette lecture des effets de la crise actuelle sur son économie.
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