Une récession en double creux, comme un W, est une chose terrible, mais une décennie perdue l’est bien plus encore. Et le fait que la pire récession depuis la Grande Dépression ait endommagé la capacité de l’économie à croître provoque des inquiétudes grandissantes. Il en résultat une reprise décevante et sans relance de l’emploi. Aux Etats-Unis, le chômage était toujours à 14% en 1937, quatre ans après le début de la reprise, et en 1940, à la veille de l’entrée du pays dans la deuxième guerre mondiale.Mais il y avait un autre aspect à cette situation. Il y a eu une forte relance de la production après 1933. Entre 1933 et 1937, l’économie américaine a connu une croissance de 8% par an. Entre 1938 et 1941, la croissance était en moyenne de plus de 10%.La croissance rapide de la production sans croissance équivalente des réserves de capitaux ou de l’emploi devrait refléter une croissance rapide de la productivité. C’est le paradoxe des années 30. En dépit du fait d’avoir été une période de lourd chômage chronique, de faillites d’entreprises et de constantes difficultés financières, les années 30 ont enregistré la croissance de productivité la plus rapide de n’importe quelle décennie dans l’histoire américaine. Comment cela a-t-il pu être ? Comme l’a démontré l’historien économique Alexander Field, de nombreuses entreprises ont profité du creux d’activité résultant de l’affaiblissement de la demande pour leurs produits pour se réorganiser. Les usines qui auparavant n’utilisaient qu’une seule source d’énergie centralisée ont installé des petits moteurs électriques plus flexibles. Les compagnies ferroviaires se sont réorganisées pour faire un usage plus efficace de leur matériel routant et de leurs employés. De plus en plus d’entreprises créèrent des départements de gestion du personnel modernes et des laboratoires de recherche intégrés. Certains indicateurs montrent que les entreprises réagissent de manière similaire aujourd’hui. General Motors, traversant une crise existentielle, cherche à transformer son modèle de fonctionnement. Les compagnies aériennes profitent d’un creux dans leurs activités pour réorganiser à la fois leurs équipements et leur personnel, tout comme les compagnies ferroviaires dans les années 30. Les entreprises des secteurs manufacturier et tertiaire adoptent de nouvelles technologies de l’information – l’équivalent actuel des petits moteurs électriques de l’époque – pour optimiser leurs chaînes logistiques et leurs systèmes de gestion de la qualité. Donc, même si tout indique que nous allons vers une période de ralentissement de la croissance des investissements et de l’emploi, cela ne doit pas nécessairement se traduire par un ralentissement de la croissance de la productivité ou du PIB. Mais cette réaction positive de la productivité n’est pas garantie. Les décideurs politiques doivent l’encourager. Les petites entreprises innovantes doivent pouvoir accéder au crédit. Elles ont besoin d’incitations fiscales pour développer leur R&D. La croissance de productivité peut être relancée par des investissements publics dans les infrastructures, ainsi que l’ont illustré les exemples des années 30 du barrage Hoover et de la société de gestion de la vallée du Tennessee (Tennessee Valley Authority). La relance de la productivité rend beaucoup de choses possibles. Elle facilite la réduction des déficits, autorise des dépenses supplémentaires dans l’éducation et le financement de programmes de formation professionnelle pour les chômeurs de longue durée. Mais, même si cette relance rapide de productivité est possible dans les circonstances actuelles, il ne faut pas la considérer comme acquise. Les décideurs politiques doivent agir.
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