. Près de 1,2 million de personnes sont sans emploi, selon la dernière enquête de la Statistique. La tranche des «15-24 ans« et les diplômés sont les plus touchés par le chômage . Trop faible, la croissance ne génère pas assez d'emplois pour absorber la demande du travailPeut-on parler de fête du travail quand plus de 1,2 million de personnes sont sans emploi? Les syndicats et le ministre de l'Emploi, des Affaires sociales et de la Solidarité devraient garder profil bas ce 1er mai par pudeur envers tous ceux qui sont sans travail actuellement. Les chiffres officiels du chômage ont souvent été contestés, même si à ce jour, leurs détracteurs n'ont pas proposé d'approche alternative. Jusqu'à preuve du contraire, ce sont donc les données de la direction de la Statistique qui font foi dans ce domaine. Selon l'enquête sur la situation du marché du travail en 2002, le taux de chômage s'établissait à 11,6% contre 12,5 l'année précédente. L'enquête ne renseigne pas sur la nature du chômage qui comprend probablement une part importante de chômeurs à longue durée (les personnes sans emploi depuis plus d'un an).Au-delà des controverses sur la manière dont est appréhendé le phénomène, la réalité du chômage est sans doute biaisée par l'ampleur du chômage déguisé, dont le sureffectif dans le secteur public est l'une des manifestations les plus flagrantes et la soupape du secteur informel. A cela s'ajoutent les «chômeurs découragés« qui ne se déclarent plus et la propension de beaucoup de jeunes qui, par crainte du chômage, choisissent de prolonger les études supérieures. Ce qui minore artificiellement la population active.Dans les zones urbaines, la crise de l'emploi est bien plus sévère, avec en moyenne 19,5% de la population active au chômage ces dix dernières années. C'est d'ailleurs l'un des traits structurels qui se dégagent de la photographie du marché du travail. Le chômage est d'abord, mais pas essentiellement, un phénomène qui touche les grandes villes, la frange la plus jeune de la population active, les «15-24 ans« et les femmes. Entre 1993 et 2002, la situation de l'emploi en milieu urbain s'est même dégradée. Le taux de chômage est passé de 15,9 en 1993 à 18,3% malgré les emplois (artificiels) du CNJA (centre national de la jeunesse et de l'avenir) et dont les conséquences plombent aujourd'hui les finances des collectivités locales. Ce sont par ailleurs les jeunes (15-24 ans) qui sont frappés par le chômage. Dans les villes, le taux moyen des sans-emploi dans cette tranche d'âge de la population active approche le double de la moyenne nationale. L'an dernier, 35,5% des 15-24 ans étaient au chômage, soit plus d'une personne sur trois. Mais le fait le plus marquant de ces dernières années aura été sans aucun doute l'apparition des diplômés chômeurs fraîchement débarqués du système scolaire. Près de 24% des diplômés étaient au chômage en 2002, selon l'enquête de la direction de la Statistique. Par diplômé, il faut entendre à partir du baccalauréat. Selon les estimations officielles, la plupart des 100.000 jeunes diplômés viennent grossir tous les ans le contingent des demandeurs d'emploi. L'école, ascenseur social, n'est qu'un vieux souvenir pour ces milliers de jeunes confrontés au chômage. Le plus grave est que le diplôme apparaît comme un facteur discriminant sur le marché du travail. Plus votre niveau d'instruction est élevé, moins vous avez des chances de trouver un emploi. Il faut sans doute voir dans ce phénomène le poids de ce que les économistes appellent le chômage frictionnel, dont l'ampleur s'explique par l'inadaptation de l'offre du système éducatif aux besoins du marché. Quel paradoxe alors que l'analphabétisme est encore très élevé dans le secteur industriel!Interpellées, les organisations patronales se plaisent à mettre en avant «l'inadaptation du produit de l'école« aux besoins de l'entreprise et la froideur des réformes structurelles de la part de l'Etat. Le frein majeur à l'emploi tient surtout à la faiblesse de la croissance économique, incapable d'absorber de nouveaux demandeurs d'emploi. Trop dépendante de la météo, l'économie marocaine peine en effet à atteindre une croissance soutenue pour endiguer le chômage et la précarité sociale. Dans les années 90, le taux de croissance moyen ne dépassait guère 2,3% par an. Le PIB par habitant est resté presque inchangé pendant que le chômage en milieu urbain est maintenu au-dessus de 20%. Certes, six sécheresses en dix ans sont insupportables pour un PIB excessivement lié à l'agriculture, mais l'aléa climatique n'est pas la seule explication de cette stagnation, selon les experts de l'Union européenne. Contrairement à beaucoup de pays dits émergents, le Maroc a pris un énorme retard dans la mise en place des réformes structurelles, dans le droit du travail et l'assainissement de son système judiciaire. Apparu dans les années 90 au Maroc, le chômage de masse pose un vrai défi aux pouvoirs publics impuissants face à la montée d'un phénomène qui touche pratiquement tous les ménages. Dans ce domaine, la mondialisation est déjà une réalité. Si de par le monde, les électeurs devaient se prononcer sur le critère unique de lutte contre le chômage, très peu de gouvernements seraient reconduits. Prudente, l'Union européenne recommande à ses membres de focaliser les efforts sur l'élévation du taux d'emploi (de 60 actuellement, à 70%), afin d'améliorer la productivité globale. Le taux d'emploi est un indicateur pertinent en ce sens qu'il renseigne sur la mobilisation de la capacité du travail. Au Maroc, il s'élevait à 44,8% l'an dernier. Autant dire qu'il reste encore un énorme potentiel à exploiter à condition que la machine de création d'emplois se remette en marche. Et l'on fêtera alors le travail.
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