
Wade est-il allé trop loin ? Après son projet controversé pour réformer le scrutin d’élection présidentielle, des émeutes sont apparues dans les principales villes du pays
LE très controversé Abdoulaye Wade doit encore faire face à une manifestation de la rue. Après la folle journée du 23 juin contre la réforme constitutionnelle, Dakar a renoué avec la violence. Des bâtiments flambent dans la capitale sénégalaise pour dénoncer les longues coupures d’électricité. Le Sénégal est en proie à des coupures régulières d’électricité depuis des mois. Celles-ci se sont aggravées ces dernières semaines, durant parfois deux jours d’affilée dans certaines zones. Des points stratégiques sont ciblés par la vindicte populaire. Notamment le bâtiment de la société nationale d’électricité (Sénelec) et le siège des services fiscaux, totalement saccagés et incendiés. Deux symboles forts de l’ère Wade. Presque toute la capitale aurait été touchée par la rébellion.
Ces manifestations de colère interviennent quatre jours après les émeutes signalées dans plusieurs autres villes du pays. La révolte vient après le coup de force tenté par Wade qui a cherché, le 16 juin, à adopter un projet de loi au Conseil des ministres. Ledit projet du président (surnommait le pape du «sopi», c’est-à-dire des «changements»), aurait permis, dès février 2012, l’élection simultanée d’un président et d’un vice-président dès le premier tour avec 25% des voix au lieu des 50 requises. Le vice-président en question ne serait autre que Karim Wade, son fils! Après douze ans au pouvoir, Wade se découvre une ambition dynastique.
Acculé face à la montée de la colère dans les rues, le président Wade, 85 ans, candidat déclaré à sa succession pour un troisième mandat, a cédé à la pression en abandonnant son projet.
Pour un Sénégal dont l’intelligentsia est l’une des plus réputés du monde francophone africain, il y a de quoi s’interroger. C’est ce qu’a commencé à faire la société civile. En boostant son fils, Wade a déclenché un tournant historique au Sénégal (pays du grand président Léopold Sédar Senghor).Vers quelle situation de crise le pays s’achemine-t-il ? Va-t-on voir surgir bientôt un «printemps africain» ? Sur la scène internationale, la poignée de main entre Sarkozy et Karim Wade, au G8 de Deauville, a créé la polémique. Printemps arabe oblige, un collectif de journalistes et de rappeurs sénégalais, au nom de «Y en a marre», milite depuis fin février et un mouvement de protestation est né. Ce sont ces mêmes fondateurs qui sont à l’origine de l’appel aux émeutes du 23 juin dernier. Chose certaine, l’opposition sénégalaise est en marche.
Badr KIDISS
(Journaliste-Stagiaire ESJC)
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