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Le 19/04/2024

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Les cryptomonnaies sont en crise, mais elles n’ont pas dit leur dernier mot

Par Annie LECOMPTE | Edition N°:6445 Le 02/02/2023 | Partager

Annie Lecompte est Assistant prof - Audit, Université du Québec à Montréal (UQAM)

Les cryptomonnaies connaissent une crise sans précédent depuis l’arrivée des premiers actifs cryptés et monnaies virtuelles, dans les années 90, et leur démocratisa­tion dans les années 2010.

Le Bitcoin a connu une dégrin­golade sans précédent à la fin de l’année 2020, et ne s’en est pas en­core remis. En plus de cette baisse marquée, on discute abondamment de l’effondrement inquiétant de cer­taines cryptomonnaies dites stables («stablecoins»), censées être moins volatiles.

À cela s’ajoute la chute de géants du milieu des cryptoactifs, notam­ment en raison d’allégations de fraude, comme pour le scandale de FTX. À l’apogée de son activité, cette plateforme d’échange comp­tait un million d’utilisateurs et occu­pait la troisième place d’échanges de cryptomonnaie en termes de volume.

Des experts s’entendent pour dire que les contrecoups de son effondre­ment ont affecté durement les inves­tisseurs, ralentissant au passage le rythme d’adoption des cryptoactifs pour les prochaines années.

Spéculation et volatilité extrême

En tant qu’experte dans le do­maine des cryptomonnaies, je tente­rai de fournir des pistes de réponses à la question suivante: les crypto­monnaies sont-elles vraiment là pour rester ou ne s’agit-il que d’un effet de mode?

Les cryptoactifs sont notamment des jetons qui peuvent servir à des fins de monnaie numérique (soit des cryptomonnaies, telles que le Bitcoin et l’Ethereum). Ils sont également utilisés à des fins d’investissement dans une entité («security token», un jeton donnant droit à la propriété d’une portion d’une entité), ou à des produits ou services («utility token», soit un jeton donnant droit à l’obten­tion d’un produit une fois sa produc­tion terminée, par exemple).

Les jetons stables, qui sont censés être associés à une moindre volati­lité, ont ceci de particulier qu’ils sont adossés à une devise (comme le dol­lar US), un produit de base («com­modity», par exemple l’or) ou encore un instrument financier (par exemple une action ou une obligation). Cela a pour objectif de conserver la stabi­lité de la valeur de la monnaie numé­rique.

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Les cryptomonnaies peuvent être utilisées à des fins transactionnelles dans le métavers (Shutterstock)

Les manchettes font état presque quotidiennement de la dégringolade du Bitcoin. Bien que cette chute ne soit pas la première, elle marque par­ticulièrement les esprits, car il s’agit d’une baisse de valeur sans précédent depuis la fin de 2020. Cet effon­drement s’explique en partie par la hausse des taux d’intérêt et la fuite des investisseurs de ces investisse­ments risqués. Bien qu’il ait repris de la valeur depuis, le Bitcoin reste néanmoins loin des sommets déjà atteints.

Cette couverture médiatique sou­lève beaucoup de questionnements sur la pérennité de ces cryptoactifs. En effet, ces derniers sont marqués par une volatilité extrême associée à sa non-réglementation sur les mar­chés, en plus d’être associés à la spé­culation par plusieurs intervenants dans le monde de la finance.

D’ailleurs, la BBC rapportait récemment que le blanchiment de cryptomonnaies avait augmenté de 30% en 2021. La Federal Trade Commission, qui a pour objectif de protéger les consommateurs amé­ricains, a pour sa part rapporté que des schémas de fraude ont coûté plus d’un milliard de dollars en crypto­monnaies en 2021 à des investis­seurs. Inutile de dire que bien peu d’investisseurs floués ont revu la couleur de leur argent.

Un milliard d’utilisateurs d’ici 2022

Or, nous voyons une augmenta­tion lente, mais certaine, de l’adop­tion des cryptomonnaies par des entreprises. Dans le cadre d’une étude en cours portant sur l’impact de l’adoption des cryptomonnaies par des sociétés publiques sur leur responsabilité sociale, j’ai noté que nombre d’entre elles, telles que Starbucks et McDonald’s, ont commencé à accepter le Bitcoin comme forme de paiement. Cela est notamment le cas dans leurs succur­sales du Salvador, dans la foulée de l’adoption par ce pays du Bitcoin comme monnaie officielle.

D’autres, comme le géant japo­nais du commerce en ligne Raku­ten, ont plutôt choisi d’accepter les cryptomonnaies sans que l’adoption du Bitcoin par un pays, notamment, ne les y pousse. Elles disent être portées par le désir d’offrir davan­tage d’options de paiement à leurs clients.

La base des utilisateurs des cryptomonnaies grandit d’année en année. Ainsi, Crypto.com, une plateforme d’échange, a estimé qu’environ 295 millions de per­sonnes étaient entrées sur le marché des cryptomonnaies en date de dé­cembre 2021. Cette plateforme pré­voit même un nombre d’utilisateurs franchissant la barre des 1 milliard d’ici décembre 2022.

Les cryptomonnaies permettent aussi à des populations, dont les sys­tèmes bancaires sont peu fiables ou peu sécurisés, d’avoir accès à une forme de système bancaire parallèle, indépendante du système bancaire traditionnel. L’opportunité d’avoir accès à une forme différente de système bancaire, pour une partie moins nantie de la population, est d’ailleurs l’une des raisons avancées par le président du Salvador pour justifier l’accession du Bitcoin au titre de monnaies légales du pays.

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Le logo Bitcoin visible sur un guichet automatique de cryptomonnaie Coinstar dans une épicerie à Washington DC (Ph. AFP)

Une fluctuation salutaire

L’intérêt croissant envers la finance décentralisée (DeFi), de même que le développement du métavers, sont aussi des facteurs qui influencent la pérennité des crypto­monnaies. La finance décentrali­sée a souvent recours à des jetons stables («stablecoins») aux fins de son fonctionnement. Le métavers, un univers constitué de mondes vir­tuels en 3D, permet lui aussi l’uti­lisation de cryptomonnaies pour l’acquisition de biens ou de services, créant ainsi un univers immersif.

Des spécialistes dans le secteur estiment que, malgré la débâcle que le marché des cryptoactifs a connu récemment, la finance décentralisée, notamment via des produits adossés à des cryptoactifs, est là pour res­ter. Cela s’explique par la présence d’un marché et d’acteurs prêts à y participer.

D’ailleurs, ils avancent que cette baisse marquée des marchés liés aux cryptomonnaies, bien qu’elle fasse disparaître certains acteurs, est la bienvenue. De l’aveu même de Raoul Ullens, cofondateur de la Brussels blockchain Week (une conférence annuelle qui s’articule autour de la chaîne de blocs et des cryptomonnaies): il est sain, pour l’adoption, la maturation de ces technologies du Web3, d’écrémer, de rééquilibrer le secteur. […] Un écosystème malsain n’attirera pas les masses.

Selon ces acteurs, une telle baisse des marchés des cryptoactifs est non seulement nécessaire, mais égale­ment salutaire, notamment pour réé­quilibrer la valorisation.

                                                            

Les cryptomonnaies sont là pour rester

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Le lancement de cryptomonnaies par des banques centrales, via les monnaies digitales de banque centrales (MDBC) (ou «central bank digital currency» (CBDC) en anglais), donne aussi du poids à la permanence des cryptoactifs. En effet, la Banque du Canada travaille actuellement à la créa­tion d’une MDBC. Selon l’institution, une MDBC émise par cette autorité serait une «monnaie numérique officielle qui conserverait sa valeur nomi­nale en dollars canadiens, tout comme les billets, car elle serait émise par la Banque du Canada».

D’autres nations dans le monde ont pour leur part déjà émis une telle monnaie, dont les Bahamas (Sand Dollar) et le Nigéria (eNaira). Les MDBC sont différentes des monnaies numériques issues du privé (comme le Bitcoin ou l’Ethereum), notamment parce que leur utilisation prévue est seulement à des fins de transaction, et non d’investissement ou spéculation. Elles offrent les mêmes possibilités d’utilisation que l’argent comptant.

Les MDBC visent également à promouvoir l’inclusion financière d’une partie de la population n’ayant que peu ou pas d’accès au système bancaire traditionnel et simplifier la mise en oeuvre de la politique monétaire et budgétaire des pays émetteurs. Les développements dans le monde des monnaies numériques, que ce soit dans le métavers ou encore la venue de MDBC, et l’engouement qu’elles ne cessent de susciter, font de ce type d’actifs des devises qui sont là pour rester.

Cette pérennité prendra une forme qui continuera à évoluer et se trans­former au fil de l’avancée des technologies les supportant (notamment, les chaînes de blocs) et de la variation dans la demande provenant des utilisa­teurs et/ou investisseurs.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation

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