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Les mères solos, les grandes oubliées de l’entreprise

Par Sofiane Zaizoune | Edition N°:6035 Le 18/06/2021 | Partager

«On a le sentiment que tu te désinvestis». À l’époque où sa manager lui fait cette remarque insidieuse, Emmanuelle Hutin, 41 ans, parisienne, mère célibataire de deux enfants, est cadre dans un grand groupe de luxe. Quelques semaines plus tôt, elle a manqué un atelier de formation au leadership, aux participants triés sur le volet, parce qu’elle accompagnait son fils gravement épileptique à l’hôpital. «Dès qu’on a un impératif, on est soupçonné de déloyauté», résume-t-elle aujourd’hui.

Mais, pour les mères célibataires, «avoir un impératif» n’a rien d’exceptionnel. Sans conjoint pour prendre le relais à la maison, elles portent seules une charge totale et permanente. Cela face à un monde du travail intraitable, qui exige de ses salariés un investissement constant, sans faute. D’où la tentation, chez certaines, de cacher leur maternité. Quitte à s’épuiser pour donner le change. «Nos recherches montrent que la meilleure façon de briser le tabou est d’encourager les hommes cadres seniors à parler de leur vie de parent. Tout le monde s’y sent alors autorisé», explique Jennifer Petriglieri, professeur associé de comportement organisationnel à l’Institut européen d’administration des affaires, près de Paris.

L’urgence de l’entraide

L’autre urgence: accorder de la flexibilité dans le travail. Le quotidien des mères célibataires est fait de fatigue, de calculs impossibles et d’angoisses. Tout est urgent, tout est primordial, tout doit être fait parfaitement – le travail, l’éducation des enfants, leur alimentation, leur inscription à des activités sportives ou artistiques… Se ménager des moments de détente, seule ou en famille, leur est presque impossible. «Pour lâcher prise et renouer avec la légèreté, les meilleurs alliés des mères solos sont leurs voisins et les parents de l’école. Ils sont de potentiels amis à portée de main et des relais précieux au quotidien», encourage la psychologue Clémence Prompsy, cofondatrice du cabinet Kidz et Family.

Des réseaux d’entraide se créent alors entre voisins, comme entre parents d’une même crèche ou d’un même club de sport. En plus d’un soutien quotidien, ces groupes de parents solidaires sont un rempart contre l’isolement et la précarité, qui touche durement les mères seules. Après une séparation, le niveau de vie des femmes avec enfants diminue en moyenne de 20%, contre 3% pour les hommes, d’après l’Institut national de la statistique et des études économiques. 15% des mères célibataires sont au chômage, plus du double des mères en couple. Pire: seules 50% des mères d’un enfant de moins de trois ans ont un emploi. Résultat: un tiers des familles monoparentales vivent sous le seuil de pauvreté. D’où l’idée, portée par le Laboratoire de l’Égalité, que chaque entreprise crée un fonds de solidarité dédié. «Il servirait à aider les employées mères célibataires à partir en vacances, à payer une babysitter le temps d’une formation ou à passer leur permis de conduire, par exemple», explique Corinne Hirsch, vice-présidente de l’association. Il contribuerait aussi à changer de perspective et, peut-être, à faire du monde du travail un milieu moins hostile. Au bénéfice des mères seules, mais aussi de leurs enfants.

Par Sofiane Zaizoune (France)

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Ces articles sont publiés dans le cadre de «Towards Equality», une opération de journalisme collaboratif rassemblant 15 médias d’information du monde entier mettant en lumière les défis et les solutions pour atteindre l’égalité des genres.