
Mhamed Abdelhak est député PJD(*), directeur associé et past président Agef
Jamais un évènement n’a suscité autant de débats que celui qu’a vécu notre pays le 10 décembre quelques semaines après une autre journée historique d’un 13 novembre, date de la maîtrise pacifique de la zone tampon de Guergarate. Préparé dans une discrétion absolue, l’évènement a pris de court les analystes et les politologues les plus avertis.
Quel politologue aurait été inspiré pour prédire cet évènement, pourtant fatal. Il s’agit bien entendu de la reconnaissance officielle de la marocanité du Sahara par les Etats-Unis d’Amérique, première puissance mondiale, membre permanent du Conseil de sécurité et qui est, faut-il le rappeler, le rédacteur des rapports annuels de la 4e commission du Conseil sur l’affaire du Sahara.
Cette reconnaissance annoncée en grande pompe à la stupeur générale n’aurait pas plu à nos deux anciens colonisateurs, France et Espagne, qui taisent, preuves à l’appui, cette vérité historique en raison des privilèges économiques concédés par nos voisins. Cet événement annoncé et notifié en conformité avec la loi américaine par un président en fin de mandat est devenu un sujet d’intérêt planétaire à la dimension psychologique du personnage Donald Trump. Comme un bonheur n’est jamais neutre, Monsieur Trump a annoncé en même temps que le Maroc et Israël allaient «normaliser» leurs relations diplomatiques.
De ce fait, un événement, somme toute logique, entraîne des discussions sulfureuses sur l’éthique dans les pratiques politiques et ce au regard de l’idéologie du parti à la tête du gouvernement. Rappelons que ce dernier est hors jeu dans cette affaire de souveraineté qui se traite dans une sphère hautement sécurisée.
Nous savons que dans les relations internationales «il n’y a pas d’amitiés durables, ni des animosités durables mais des intérêts» entendez, économiques (dixit Churchill), le Maroc est resté fidèle à ses positions de principe: La cause palestinienne a eu une place de choix dans le communiqué du Palais royal qui l’a placé au rang de sa cause nationale. Autre point fort, la teneur du message royal a été sujet d’un échange téléphonique avec Mahmoud Abbès chef de l’Autorité palestinienne. Par la suite Sa Majesté en qualité de président du Comité Al Qods s’est engagé à convoquer les membres du Comité pour une relance active de cette institution.
Sur le plan des principes et valeurs, le Maroc a une position sacrément majeure dans le concert des pays musulmans défenseurs de la cause palestinienne. SM le Roi, Émir des croyants, est le président du Comité Al Qods, mission que notre pays assume avec abnégation et sincérité.

De ce fait, une question fondamentale est posée par certains:
Le Maroc a-t-il failli à sa posture d’éthique en sacrifiant la cause palestinienne sur l’autel de l’affaire du Sahara? ou en d’autres termes, la décision politique est-elle vertueuse dans le sens de la morale?
Ne sommes-nous pas dans un contexte mondial dominé par la loi de la force économique et militaire que soutient une presse mondialisée au service de pouvoirs financiers que le Maroc qui peine à rechercher une piste de développement socioéconomique, ne peut contrarier. A cet effet il ne faut pas être lauréat de Harvard ou Sciences Po ou Al Karaouiyyine pour être convaincu que «l’agir politique» obéit à d’autres règles qui obligent le Maroc à reconsidérer le politiquement correct, au risque d’enfreindre les convictions les plus fortes de sa vision politique. Au-delà de mon for intérieur enclin à l’émotivité pour rejeter le rapprochement et ma raison qui l’apprécie bonnement , je pense que le Maroc a agi en conformité avec sa ligne d’éthique et une bonne conscience politique.
L’Etat marocain a agi dans l’intérêt fort du pays de défendre sa cause existentielle. Le gouvernement dirigé par le PJD a agi en bonne concordance avec sa mission de gérer les affaires du pays. Les partis politiques marocains au pouvoir ou dans l’opposition ont le choix de positionner le curseur entre «la raison d’Etat» et le «sentiment populaire».
Notons qu’il est possible de concilier les deux objectifs. Cependant:
- L’opération initiée à un moment décisif se doit d’être gérée avec prudence. La bonne foi de nos interlocuteurs n’est pas du tout garantie. L’exemple des précédentes normalisations réalisées par certains pays est une bonne base expérimentale à étudier.
- Ce choc diplomatique peut et doit être un excellent starting-block pour booster l’offensive diplomatique. Celle-ci est à mener tous azimuts par tous les acteurs politiques, associatifs pour faire comprendre aux détracteurs de notre cause nationale que «the game is over» et qu’il y a intérêt à changer de logiciel pour construire un Maghreb fort et développé. «L’ennemi est bête, il croit que c’est nous l’ennemi, alors que c’est lui» disait à juste raison l’humoriste français Pierre Desproges).

- La «diplomatie économique» doit être un axe principal pour consolider nos acquis politiques. Rappelons-nous que les voyages multiples de Sa Majesté le Roi en Afrique sous l’étendard économique ont rendu un grand service à notre cause nationale et facilité le retour triomphal de notre pays à l’Union africaine.
Notre ministère des Affaires étrangères a tout intérêt à revoir sa copie organisationnelle. Il y a nécessité d’opérer une transformation fondamentale culturelle à l’instar d’une expérience en cours par son collègue de l’industrie et du commerce.
- il importe d’arrêter les altercations épidermiques alimentées par les réseaux dits sociaux et adopter un discours retenu à base de raison et sans animosité gratuite. Le Maghreb des peuples se monte sur des rapprochements communautaires. Oui le gâteau américain tel qu’emballé peut paraître salé, voire amer. Mais il est susceptible d’être un délice en fonction de l’usage qu’on en fait. Une fermeté dans les procédures de mise en place des relations, soutenue par une rigueur diplomatique sont, entre autres, des moyens de réussir les deux causes sacrées, Palestine et Sahara. Avec d’excellentes perspectives économiques. Impossible n’est pas marocain.
Réactions épidermiques… de nos ennemis
Les qualificatifs fusent en fonction du positionnement idéologique et de la sensibilité personnelle de tout un chacun:
Contrepartie marchande... ou marchandage tout court… tout un lexique de ceux qui accusent le Maroc de lâchage de la cause palestinienne.
Bien au contraire, répondent les défenseurs du pragmatisme politique ou simplement d'une paix négociée au Moyen-Orient dans laquelle le Maroc a été impliquée depuis des décennies. «Le Maroc a une cause nationale à défendre, une économie à développer et surtout un territoire à consolider au mépris d'attaques de mercenaires à la solde d'un pouvoir issu d'une “démocrature” (vocable contractant dictature et démocratie)», ce pouvoir ayant fait de la nuisance tous azimuts à notre pays sa doctrine politique. Pour preuve, Abdelmalek Sellal, un ex-Premier ministre algérien, incarcéré dans le cadre d'un procès de règlement de comptes, a répondu à son juge au sujet de la dilapidation de 34 milliards de dinars (260 millions de dollars): «c'est pour casser l'économie d'un pays voisin».
Il vise la destruction de notre écosystème automobile par le financement d'une usine à Oran laquelle est en passe de fermer les portes pour X raisons.
L'adage populaire «méfie-toi de la malveillance à qui tu as rendu service» convient parfaitement à nos voisins. Ces derniers ont la mémoire courte pour ne pas se rappeler que le Maroc, peuple et gouvernement, les a soutenus de toutes ses forces contre leur ancien colonisateur.
Selon les proches des cercles des pouvoirs algériens, cette position de nos voisins, contraire aux principes et valeurs de la communauté musulmane, n'a qu'un sens celui d'un complexe œdipien que seul un disciple de Sigmund Freud pourrait élucider.
Machiavel, Churchill et les oulémas
Il importe d’écarter toute considération théologique ou religieuse dans le traitement de ce sujet. Et ce, que le fait religieux soit présent dans le conflit du Moyen-Orient et évoqué, autant par les adeptes de «Moïse» (Sidna Moussa) que par la partie musulmane. Le seul élément que je puisse retenir au sujet de la religiosité de la cause palestinienne c’est que «la nécessité autorise les interdits» et «qu’en face de deux vices, on choisit le moins maléfique» déductions probables de la «jurisprudence de la réalité».
(Fikh ouakie) que critique le professeur Youssef El Karadaoui. Selon ce dernier, certains oulémas seraient allés trop loin pour justifier une pratique non conforme aux principes islamiques.
Machiavel et Churchill avaient raison chacun à sa manière de défendre un intérêt. «L’intérêt» de notre pays, vocable à entendre dans un sens positif, n’est-il pas de renforcer sa position par une avancée spectaculaire sur le plan diplomatique et ses retombées économiques? Enlever ce «caillou polisarien» maléfique de la chaussure Maroc ne vaut-il pas certains sacrifices symboliques, pour le moment? Un Maroc fort n’est-il pas un meilleur soutien pour la cause palestinienne comme le pensent expressément les dirigeants palestiniens du rapprochement israélo-turque? soit dit en passant, pourquoi cette dualité de perception de la part de certains islamistes palestiniens et de ceux qui croient les défendre, qui applaudissent l’initiative du rapprochement israélo-turque et dénigrent celle du Maroc qui, de surcroît, déclare tout haut et fort que sa position sur l’affaire palestinienne n’a pas changé, bien au contraire.
Faut-il continuer de menacer le jet des juifs à la mer, dixit Chokairi, leader palestinien repris par Jamal Abdennasser pour faire plaisir à nos émotions?
Certains peuvent percevoir une mauvaise «note musicale» par la coïncidence entre deux événements: Reconnaissance de la marocanité du Sahara en parallèle avec ou contre «la reprise des relations avec Israël».
Cette «contrepartie» jugée par certains inopportune ou lourde de conséquences est-elle évitable?
Si vous pensez qu’on peut tout avoir sans rien, continuez à penser.
Déjà dans la vie de tous les jours «on n’a rien sans rien» a fortiori dans le domaine politique et avec un Trump plus commerçant qu’enfant de cœur.
Et même dans une relation d’amitié, voire d’amour, il y a du donnant/donnant en termes de sentiments et d’émotions.
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