
Flamboyant, vertigineux, théâtral, dramatique et cocasse à la fois… le langage plastique de l’artiste Mohamed Aboulouakar reste définitivement le plus inclassable de la scène picturale marocaine.
En scrutant son œuvre on peut songer à du Chagall, par le souffle lyrique qui se dégage de ses toiles et où l’influence biblique est remplacée par la force dévotionnelle du soufisme. Prophètes, patriarches, guerriers, animaux fabuleux, créatures hybrides issues de la mythologie, victimes du destin, de la fatalité… envahissent les toiles sans laisser la moindre parcelle vierge, mêlant icônes byzantines, iconographie chrétienne et culture populaire marocaine.
Des personnages aux visages déstructurés, d’autres masqués, des oiseaux d’augure, des femmes fleurs aux corps épanouis… couleurs vives et foisonnement de figures, une certaine création d’espaces scéniques, une théâtralisation de la peinture, témoigne de l’impact du 7e art chez cet ex réalisateur, très influencé par Tarkovski. C’est ce même corpus fondamental de figures, de symboles et d’atmosphères que l’on retrouve dans l’exposition «L’œuvre en mouvement» que consacre la galerie casablancaise l’Atelier 21, à l’artiste jusqu’au 16 janvier.

Affirmation d’un long parcours riche d’une créativité féconde de plus de 50 ans, l’exposition met en lumière un artiste dont la recherche formelle et stylistique allie une unité profonde à une diversité sans cesse renouvelée.
L’écrivain Mohamed Ennaji y voit «un bouillonnement incessant qui jaillit, en lave incandescente, de la rage volcanique qui habite l’artiste » décrivant ainsi ses œuvres : «Dans ses toiles, les périodes, les personnages, les réalités et les fictions, les hantises, se bousculent comme si tous sont décidés à s’arroger le devant, à signer fermement leur présence, à gommer l’avant eux et ignorer l’après. Les prophètes de l’orient, les oracles, les déesses grecques et les empereurs romains, les kahina ou devineresses berbères, les concubines venues du Caucase, et de plus loin encore les traces de la Mésopotamie, autant de profils et de trésors où puisent les muses polyglottes du peintre ébloui par ses visions».
La Grande Odalisque

Une monographie intitulée «L’œuvre en mouvement », dédiée au travail de Mohamed Aboulouakar, est éditée par la galerie d’art L’Atelier 21 à l’occasion de cette exposition. Cet ouvrage s’articule autour d’une œuvre majeure du peintre, «La Grande Odalisque».
On y retrouve toutes les composantes qui font de lui un artiste à part dans la confrérie des peintres au Maroc. L’un de ceux qui n’entretiennent pas de filiation avec la génération des pionniers, mais qui auront assurément une influence considérable sur les générations à venir, même si l’irréductibilité et le caractère sauvage de Mohamed Aboulouakar ne sont pas à proprement parler propices pour faire des disciples.
Cette originalité, ce langage singulier, unique dans l’histoire des arts plastiques au Maroc, on peut le saisir en parlant par saillies de « La Grande Odalisque».
Amine BOUSHABA
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