
Il y a du Jean Genet, du Henry Miller et du Rimbaud dans les écrits de Mohamed Leftah. Une sorte de fou de littérature, totalement libre, qui revendique l'influence du surréalisme sur son imaginaire hanté de prostituées, de proxénètes, de gardes de prisonniers, de tortionnaires et de victimes.
Auteur de plusieurs romans, dont «Demoiselles de Numidie», «L’enfant de marbre» ou «Le jour de Vénus», l’auteur, décédé au Caire en 2008, laisse dernière lui des textes où «le corps parle pour exprimer sa vérité, aussi difficile ou inacceptable qu’elle puisse être» comme le précise l’auteur égyptien Ziad Elmarsafy, qui a consacré une enquête littéraire sur «les pouvoirs du corps constitué par les écrits de Leftah».
C’est cet univers que nous propose de découvrir la maison d’édition «La Croisée des chemins» en republiant quelques-uns de ses romans.Une occasion de rendre hommage à ce talent rare de la littérature marocaine à l’écriture splendide et au service d’une pensée libre et d’une sensibilité poétique et à fleur de peau.
«Souvent décrit comme étant une figure emblématique de la littérature marocaine, Mohamed Leftah demeure sans doute l’un des plus grands écrivains, capable d’avoir su intégrer dans son œuvre le pluralisme des modes de vie et de pensée de nos sociétés contemporaines», souligne la maison d’édition, qui propose son roman posthume «Le dernier combat du captain Ni’mat», qui a reçu le Prix littéraire La Mamounia en 2011.
Considéré par les critiques littéraires comme l’un des meilleurs romans de l’écrivain et de l’année 2010. Le livre raconte l’histoire du capitaine Ni’mat, réserviste de l’armée égyptienne, désœuvré et vieillissant et qui tue le temps dans un club privé du Caire. Son existence monotone est subitement bouleversée par un jeune domestique nubien.
Il cède à la tentation et savoure, en cachette de son épouse et son entourage, son nouvel amour. Dans un pays de plus en plus intégriste, cette passion va le conduire à la déchéance et à la vindicte de la société. Sont déjà parus dans le cadre de cette collection: «Une chute infinie» en 2018, «Au bonheur des limbes» en 2019 et «L’Enfant de marbre» en 2020.
Né en 1946 à Settat, Mohamed Leftah fait ses études à Casablanca et se dirige par la suite vers une carrière scientifique; il étudie à Paris dans une école d’ingénieurs en travaux publics. En 1972, il revient au Maroc, devient informaticien puis journaliste littéraire au Matin du Sahara et au Temps du Maroc.
Il commence sa carrière d’écrivain dans les années 1990, avec la parution en 1992 de «Demoiselles de Numidie» (Éditions de l’Aube). Il renonce ensuite à publier ses textes jusqu’à ce que le critique littéraire Salim Jay le fasse découvrir auprès des Éditions de la Différence qui éditeront le restant de son œuvre à partir de 2006, dont «Au bonheur des limbes», «Une fleur dans la nuit» ou encore «Un martyr de notre temps».
En 2007, le journal Le Monde lui consacrait un long article où il affirmait n’avoir qu’une certitude: «La littérature a toujours été et peut être encore une promesse de bonheur», et où il préconisait un seul remède: «Le roman contre la barbarie. Nous n’avons pas d’autres armes». Une déclaration qui sonne aujourd’hui comme une prémonition.
A.Bo
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