
«Anxiété, dépression ou la peur», le triptyque qui hante l’état psychologique des réfugiés. Mais l’aspect économique et social est aussi fort redouté parmi cette population. Ce sont entre autres les résultats de l’enquête menée conjointement par le HCP et le Haut commissariat aux réfugiés (HCR).
Au volet socio-économique, les principales inquiétudes tiennent à la perte de l’emploi et des revenus. D’ailleurs, le manque d’argent a limité l’accès aux soins médicaux pour plus du tiers de réfugiés souffrant de maladies chroniques. Et la crainte d’être contaminé est la principale raison citée dans le cas de maladies ordinaires. Mais l’accès aux médicaments pris en charge par le HCR a bénéficié au tiers de cette population. Près de 3 réfugiés sur 10 ont eu accès aux médicaments essentiels fournis gratuitement dans le cadre d’un programme de prise en charge médicale liant le HCR et ses partenaires de la société civile.
L’impact du confinement a été déterminant. Pas moins de 9 chefs de ménage réfugiés actifs occupés sur 10 ont cessé de travailler pendant cette période. Une faible proportion (5,7%) contre une indemnité et 81,4% sans aucune indemnité. L’arrêt d’activité concerne 78,5% des Yéménites, 86,4% des Syriens, 89,4% des Centrafricains et 94,8% des Ivoiriens. En revanche, 11,6% des chefs de ménages réfugiés actifs occupés ont continué d’exercer leur emploi dont 7,5% à temps partiel et 4,1% à plein temps. Il convient de signaler qu’une infime minorité des actifs occupés (1,3%) ont changé leur activité pendant le confinement.
Face à la perte d’emploi, une aide très faible leur a été servie. Selon l’enquête 6,1% ont reçu une aide de la part de l’employeur ou de l’Etat. La moitié des aides reçues (49,3%) provient des employeurs, sous forme de salaires ou de congés payés et 29,6% de l’Etat, notamment, à travers le programme d’aide aux salariés formels inscrits à la CNSS. Et plus de 9 réfugiés sur 10 (92,2%) jugent ces aides insuffisantes pour compenser la perte de revenus occasionnée par l’arrêt du travail. Le Haut commissariat aux réfugiés reste le principal fournisseur des aides aux réfugiés sous forme d’allocations financières : 82,1% des réfugiés ont reçu des transferts de cette institution.

Au moment de l’enquête, l’effectif des réfugiés au Maroc s’établit à environ 7.000 personnes dont 61% d’hommes. La totalité est répartie dans 2.168 ménages. Cette population est relativement jeune avec 30% âgée de moins de 18 ans et 2,5% de plus de 60 ans. Par origines, les Syriens arrivent en tête avec près de la moitié. Ils sont suivis des Yéménites (16%), des Centrafricains (12%), des Sud-Soudanais et des Ivoiriens (4%). Les autres pays africains représentent 7% et les pays arabes 6%. Plus du tiers des réfugiés (35,8%) résident dans les villes de Rabat (14,6%), Casablanca (13,9%) et Oujda (7,3%). Les principales autres villes de résidence sont Nador (6,5%), Kénitra (6,4%), Fès (6,4%), Salé (5,4%), Meknès (5,3%), Tanger (4,8%) et Marrakech (4,1%). Et pour l’écrasante majorité, leur présence au Maroc est relativement récente.
La quasi-totalité des réfugiés (98,5%) est arrivée sur le territoire marocain après l’an 2000. La moitié d’entre eux (50,3%) sont arrivés depuis 2015. L’ancienneté moyenne des réfugiés au Maroc est de 6,2 ans. Elle est relativement plus longue parmi les Ivoiriens (9,3 ans) et les Syriens (7,6 ans) et plus courte parmi les réfugiés du Soudan du Sud (2,4 ans), ceux du Yémen (3,3 ans) et de Centrafrique (4,4 ans).
La taille moyenne des ménages réfugiés est de 3,4 personnes. Elle est plus élevée parmi les Syriens avec 5,2 personnes et plus réduite chez ceux d’origine soudanaise (2,1).
La répartition selon le type d’occupation montre que 43,8% des chefs de ménages exercent une activité économique. Le phénomène est plus prononcé parmi les Syriens avec 83,2% et plus faible chez les Centrafricains (24,4%), les Yéménites (18,1%) et surtout parmi les ressortissants du Soudan du Sud (3%).
A.G.
Méthodologie
L’enquête a été réalisée du 2 au 8 juin dernier. L’objectif est d’évaluer l’impact de la pandémie sur la situation économique, sociale et psychologique des réfugiés au Maroc. Elle a ciblé un échantillon représentatif de 600 ménages des différentes catégories, au sens du HCR(1), selon le pays d’origine, la ville de résidence, l’âge, le sexe et le niveau scolaire. Les investigations ont porté sur le comportement des réfugiés dans le contexte du confinement sanitaire et leur accès aux produits de consommation et d’hygiène, aux sources de revenus, aux services de santé et à l’enseignement. Le chef de ménage est la personne de référence ayant fourni les réponses aux questions relatives au ménage et à l’ensemble de ses membres. En respect des mesures prises dans le cadre du confinement sanitaire, la collecte des données de l’enquête a été réalisée par téléphone.
-----------------------------------------
(1). L’article 1A de la Convention de Genève 1951 définit le réfugié comme étant une « personne qui craignant d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays».
Chère lectrice, cher lecteur,
L'article auquel vous tentez d'accéder est réservé à la communauté des grands lecteurs de L'Economiste. Nous vous invitons à vous connecter à l'aide de vos identifiants pour le consulter.
Si vous n'avez pas encore de compte, vous pouvez souscrire à L'Abonnement afin d'accéder à l'intégralité de notre contenu et de profiter de nombreux autres avantages.