Menée par la police judiciaire depuis le 4 septembre, l’opération mains propres révèle au fond des agissements pouvant porter atteinte à la santé publique.
Difficile de ne pas faire un lien avec l’affaire post-indépendance des huiles frelatées de Meknès qui a marqué l’histoire judiciaire. «D'une simple fraude alimentaire, leur geste (des trafiquants) s'est transformé en crime. Ils ont à répondre en effet d'une intoxication alimentaire qui a fait près de dix mille victimes», rapporte Le Monde, à la veille du procès, dans son édition du 11 avril 1960.

Plus d’un demi-siècle plus tard, le trafic et la fraude sur marchandises ont encore des adeptes. L’enquête dite «mains propres» ne doit pas passer sous silence que de l’alcool de contrebande, frelaté ou périmé est présumé avoir été servi et payé au prix cher par des consommateurs! Tout en les exposant à d’éventuelles intoxications. De par sa médiatisation, cette affaire va aussi accentuer la défiance de la clientèle vis-à-vis des débits de boissons, restaurants...
Enquêter jusqu’au bout...?
Le patron de la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ), Hicham Baâli, évoque d’ailleurs «des infractions aux lois régissant la sécurité sanitaire des produits alimentaires et la répression des fraudes sur marchandise». Si l’atteinte à la santé publique est retenue par le parquet, cela reviendrait à requalifier pénalement les faits en crime. Par conséquent, la cour d’appel criminelle va reprendre la main dans ce dossier. Et pas seulement à Casablanca.
A Fès, il est même question de présumés liens entre les trafiquants d’alcool et ceux de la drogue. Vu qu’il est également question de criminalité économique dans l’opération «mains propres», le pôle financier d’une cour d’appel sera compétent: falsification de vignettes fiscales, de marques commerciales...
A Casablanca, l’enquête préliminaire est menée pour le moment par le tribunal correctionnel.
Les produits de contrebande saisis par les enquêteurs mettent également en jeu le code douanier. Une opération menée le 11 septembre à Marrakech fait état notamment de «discordance entre des vignettes fiscales et contenant»: 652 bouteilles au total. Sans compter «une grande quantité de vignettes fiscales suspectes».
A part des entrepôts notamment à Fès, des établissements à Casablanca et à Marrakech sont entre autres en première ligne. Les perquisitions du 4 septembre 2020 ont notamment ciblé une cinquantaine de débits de boissons (établissements hôteliers ou de restauration).
La DGSN a constaté 119 infractions dont plus d’une trentaine uniquement au niveau de la corniche de Casablanca: falsifications de timbres fiscaux ou d’étiquettes de marques d’alcool et saisie de 203.016 vignettes fiscales. Les enquêteurs ont confisqué aussi 9,2 millions de DH, selon la police judiciaire. L’argent sale circule mais où exactement et comment (voir encadré)? L’enquête judiciaire doit aller jusqu’au bout pour éviter que l’opération «mains propres» ne se résume à une simple opération de «Com»!
Argent sale et frontière douanière

Qui sont leurs fournisseurs, où va l’argent sale et qui en profite? Rien que le premier jour de l’opération mains propres, 9,2 millions de DH ont été saisis.
L’enquête judiciaire devra aller jusqu’au bout pour démanteler un éventuel réseau de trafic à l’échelle nationale. Et qui dit trafic, dit forcément blanchiment des capitaux. Les banquiers comme les notaires d’ailleurs sont soumis à la déclaration de soupçons. La loi contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme impose cette obligation. Plusieurs professions doivent ainsi dénoncer les fonds suspects. La liste des déclarants est disponible sur le site de l’Unité de traitement du renseignement financier (www.utrf.gov.ma).
Une autre grande question persiste. Comment la marchandise de contrebande a pu passer la frontière douanière? A Fès par exemple, 74.505 bouteilles ont été saisies le 8 septembre par la DGSN, la Douane et l’Office de la sécurité sanitaire (Onssa). Les enquêteurs ont notamment mis la main sur des vignettes fiscales (voir photo) et des produits alcooliques de contrebande soumis aux règles d’origine. Ce sont des règles de commerce international prouvant l’origine et la production d’un bien exporté.
F.F.
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