Depuis plusieurs semaines, les cas de contamination à la Covid-19 sont en augmentation et la crainte d’une seconde vague épidémique est plus actuelle. Dans ces circonstances, de nombreux gouvernements ont renforcé les mesures censées limiter la propagation de la pandémie en rendant notamment obligatoire le port du masque. L’OMS le considère comme une mesure efficace pour limiter la propagation du virus, en plus de la distance physique et du lavage de mains.

Pourtant le port du masque est loin de faire l’unanimité et plusieurs pays (France, Etats-Unis, Allemagne, Espagne…) ne semblent pas échapper à l’émergence de mouvements de contestation. Une nouvelle étude de la Fondation Jean-Jaurès «Bas les masques!»: sociologie des militants anti-masques» signée Antoine Bristielle(1) s’est immergée dans les groupes Facebook anti-masques. Mais qui sont-ils et pourquoi refusent-ils une telle mesure de santé publique?
Forte défiance envers les institutions politiques et médiatiques, rejet des contraintes et des élites, perméabilité aux thèses complotistes, le tout accéléré par une utilisation sans véritable recul des réseaux sociaux… sont autant de facteurs qui expliquent cette tendance, selon l’étude dédiée à la France. D’autres arguments sont avancés: «le masque serait inutile, voire dangereux, la pandémie serait terminée voire n’aurait jamais existé…». Ainsi, 90% des répondants pensent que «le ministère de la santé est de mèche avec l’industrie pharmaceutique pour cacher au grand public la réalité sur la nocivité des vaccins, contre 43% de la population».
Selon l’étude, même des institutions non directement politiques comme les syndicats bénéficient d’une très faible confiance (10%). Les hôpitaux, récoltant habituellement la confiance d’une large majorité des Français (87%), sont là aussi tancés avec un taux de confiance dépassant péniblement la moyenne (53%). Tout ce qui ressemble de près ou de loin à une institution bénéficie d’un taux de confiance particulièrement faible.
Dès lors, deux lectures de ce phénomène peuvent se faire. Tout d’abord, il est nécessaire d’insister sur le différentiel de confiance sur ces différents items entre les anti-masques et le reste de la population. Ce sont clairement les franges les plus défiantes de la population qui manifestent leur refus de porter le masque, parce que justement elles n’ont aucune confiance dans la parole institutionnelle en général et dans celle des institutions politiques en particulier.
Dans ce contexte, il est par ailleurs nécessaire de noter que «la communication on ne peut plus hésitante du gouvernement, ayant d’abord déconseillé le port du masque avant de le rendre obligatoire quelques mois plus tard, n’a pu que renforcer ce phénomène». Ce rejet des institutions et des partis politiques classiques se traduit également par des attitudes populistes.
Il est ainsi largement nécessaire de sortir d’une vision assez naïve, consistant à penser que les périodes de crises créent ex nihilo des individus défiants: «les crises ne les créent pas, elles les mobilisent. Mais les prédispositions existent bien en amont», est-il indiqué dans l’étude.
Sans traitement en profondeur de l’insuffisance de confiance institutionnelle, il est fort à parier que de nombreux autres épisodes de cette nature se présenteront. Et le prochain est peut-être plus proche qu’on ne le pense: «94% des anti-masques disent qu’ils refuseront de se faire vacciner contre la Covid-19 le jour où un vaccin sera disponible…».
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(1) Professeur agrégé de sciences sociales, chercheur en science politique au laboratoire PACTE, Sciences Po Grenoble
F. Z. T.
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