L’Education nationale avait-elle vraiment le choix? Au regard de la flambée des contaminations au Covid-19, des cas graves et des décès, il était presque évident que le ministère déciderait en faveur d’une rentrée en e-learning.

L’annonce est tombée samedi dernier dans la soirée. Le département de Saaïd Amzazi a opté pour un démarrage de l’année scolaire à distance pour tous les niveaux scolaires et toutes les filières, que ce soit dans le public, le privé ou les missions étrangères, sans pour autant préciser la durée de ce mode d’enseignement. «Tout dépendra de l’évolution de la situation épidémique», nous a confié le ministère.
Aucune décision n’a encore été prise pour l’enseignement supérieur. Un communiqué devrait être partagé incessamment pour préciser le scénario retenu.
La date de la rentrée a été maintenue, soit le 7 septembre. La tutelle a, toutefois, autorisé une reprise en présentiel pour les parents «qui le souhaiteraient». Un protocole sanitaire «strict» a été élaboré afin de garantir cette option, avec des mesures telles que la distanciation corporelle, en limitant le nombre d’élèves par classe, la stérilisation continue des lieux, l’hygiène des mains et l’obligation de mettre une bavette pour les élèves à partir de la cinquième année du primaire.
L’annonce n’a pas été au goût de tout le monde. Certains parents, à bout de souffle après presque un semestre d’enseignement à distance l’an dernier, en tremblent déjà. Pour eux, revenir à ce modèle d’apprentissage serait un cauchemar. D’autres, ne pouvant se procurer ni ordinateur ni connexion internet, ne savent pas comment s’en sortir. «L’année dernière mon fils de 9 ans prenait ses cours sur WhatsApp via mon téléphone. A force de l’utiliser, l’appareil a rendu l’âme. Je ne peux lui offrir un PC, je dois donc lui acheter un nouveau smartphone. La recharge internet aussi est trop chère», témoigne une mère de famille.
Faute de moyens, une bonne partie des élèves utilise un smartphone pour étudier. En 2017, l’enquête internationale PIRLS, évaluant les compétences des élèves de 4e année du primaire en lecture et compréhension, avait révélé qu’uniquement 3% des écoliers marocains possédaient un ordinateur avec une connexion internet à domicile. Il y a quelques semaines, le ministère avait évoqué la possibilité de réserver un budget pour équiper les élèves en tablettes. Rien n’est encore confirmé.
«Nous avons eu la chance, l’an dernier, de profiter de cours normaux, en présentiel, jusqu’au 16 mars. Cette année, ce sera plus difficile, car nous démarrons à distance. Beaucoup d’élèves ne pourront pas bénéficier d’un encadrement adéquat faute d’équipement, parce que leurs parents sont illettrés ou en raison du manque de formation de leurs enseignants.
Naturellement, ce sont les couches les plus défavorisées, hélas majoritaires, qui vont trinquer. Les autres pourront toujours s’offrir des cours particuliers», s’inquiète une directrice d’école primaire publique. Avec un mode d’apprentissage non maîtrisé par les enseignants, les élèves risquent, en effet, de cumuler les lacunes. La récente enquête du HCP sur l’impact économique, social et psychologique du coronavirus le prouve (voir L’Economiste N°5816 du 4 août 2020).
Près de la moitié des élèves et étudiants sondés ont relevé la difficulté à assimiler les cours et le retard d’apprentissage en e-learning. Pour leur part, les élèves du préscolaire en ont été quasiment exclus, 85% n’en ont pas profité durant le confinement, selon le HCP.
Reste, également, la question du bac régional. Les élèves sont nombreux à demander son annulation pure et simple. Selon des cadres éducatifs, les épreuves auraient dû être organisées juste après l’examen national, quand la situation était encore maîtrisée. Les élèves auraient ainsi commencé leur année du bac en toute quiétude. Dans son communiqué, le ministère a annoncé le report du bac régional, sans avancer de nouvelle date.
La tutelle a, en outre, privilégié la flexibilité. Le modèle d’enseignement choisi pourrait être revu à n’importe quel moment, selon les évolutions futures, que ce soit au niveau local, provincial ou régional, en concertation avec les autorités locales et sanitaires.
Les écoles privées en sortiront-elles indemnes?

Avec le choix d’un enseignement à distance, les écoles primaires-secondaires privées se retrouvent, encore une fois, dans une situation délicate. Elles sont nombreuses à avoir essuyé de gros impayés durant le troisième trimestre 2019-2020, suite à leur bras de fer avec les parents, insatisfaits de la qualité du e-learning servi durant le confinement. Le coup a été dur pour les plus petites d’entre elles. L’option du présentiel pour les familles qui le souhaiteraient pourrait leur permettre de limiter les dégâts. Mais difficile de faire le plein en raison des règles sanitaires imposées. Une révision de modèle s’impose.
Ahlam NAZIH
Chère lectrice, cher lecteur,
L'article auquel vous tentez d'accéder est réservé à la communauté des grands lecteurs de L'Economiste. Nous vous invitons à vous connecter à l'aide de vos identifiants pour le consulter.
Si vous n'avez pas encore de compte, vous pouvez souscrire à L'Abonnement afin d'accéder à l'intégralité de notre contenu et de profiter de nombreux autres avantages.