
L’affaire Global Nexus SA a fait l’objet de deux plaintes. Cette société gère le fonds d’investissement Green Innov Invest dont la raison d’être initiale est de soutenir des startups avec notamment une contribution financière de la Banque mondiale.
Cette institution a remis des fonds à la Caisse centrale de garantie (CCG) qui agit sous la bénédiction du ministère des Finances. La qualité des intervenants et la portée politique et économique donnent une ampleur particulière à ce dossier. L’affaire est devant la justice. Une première plainte ouvre les hostilités entre des actionnaires au fonds d’investissement.
Elle a été déposée en avril 2019 auprès de l’Autorité marocaine des marchés financiers (AMMC). Cette saisine émane de deux investisseurs, H&A Investissement Holding et l’Institut de recherche en énergie solaire et énergies renouvelables (IRISEN).
Le régulateur a sanctionné la société gestionnaire de fonds: un million de DH d’amende avec en prime l’éventuel retrait de l’agrément. Cette mesure devra être actée par le ministère des Finances (Cf. L’Economiste n°5791 du 26 juin 2020).
La seconde plainte contre Global Nexus SA a été initiée auprès du tribunal correctionnel de Casablanca. Deux entreprises, Sefiania et H&A Investissement Holding, ont attaqué au pénal Global Nexus SA. Les plaignantes se sont dessaisies suite à un compromis avec la société que dirige Hynd Bouhmia.
Le retrait de la plainte a été conditionné par le remboursement des fonds versés à Global Nexus SA, selon nos informations. Tel est donc le tableau global de cette affaire qui secoue le monde de la finance. L’histoire n’est pas finie.
Le ministère public a convoqué la directrice générale de Global Nexus SA pour le 7 juillet 2020. Sa dirigeante devra s’expliquer sur ce qui suit: «escroquerie et abus de confiance, faux et usage de faux en écriture de commerce et sous seing privé...». Ces présumés agissements auraient «créé une confusion chez le public autour de la légalité de l’exercice de son activité», note le parquet de Casablanca.
Le ministère public va-t-il abandonner son enquête suite au désistement des plaignants? «Le parquet peut se dessaisir selon le principe de l’opportunité des poursuites. Il est maître du jeu pour maintenir les poursuites ou classer le dossier. La législation pénale prévoit trois cas où le retrait de la plainte engendre la fin de l’action publique: l’adultère, le viol et les infractions de douane et de changes», analyse un avocat pénaliste du barreau de Casablanca. En pratique, le ministère public «se contente d’une ligne» pour expliquer l’abandon des poursuites notamment «le désistement des plaignants». Il ne faut pas en tirer des conclusions hâtives.
Un autre praticien spécialisé en droit financier apporte son éclairage sur ce dossier: «Si l’on met en avant la logique des réseaux dans les affaires judiciaires, c’est l’impunité qui va primer. Je ne pense pas que le parquet va se dessaisir de l’enquête. C’est une grande affaire avec des enjeux économiques certains». Evidemment, la présomption d’innocence prévaut.
Ordre public économique
D’une part, difficile de ne pas faire un parallèle avec les prétentions du Royaume du Maroc à se positionner comme un hub financier africain. Les agences de notations et les investisseurs scrutent les moindres faux pas.
D’autre part, un bailleur de fonds, comme la Banque mondiale, reste très sensible à l’utilisation de son argent et aux mesures officielles en termes de transparence, d’exemplarité de la gouvernance, de reddition des comptes et de primauté de la loi.
L’affaire Global Nexus SA met indiscutablement en jeu la notion d’ordre public économique. La présidence du ministère public a émis fin janvier 2020 une directive en ce sens.
M’hamed Abdenabaoui y appelle les procureurs du Royaume «à appliquer les lois avec rigueur». Sa directive ratisse large: vol de fonds, concurrence, entreprise en difficulté (Cf. L’Economiste n°5700 du 18 février 2020).
Pour sa part, la Constitution est claire sur l’indépendance de la justice. «Les magistrats du parquet sont tenus à l’application de la loi et doivent se conformer aux instructions écrites, conformes à la loi, émanant de l’autorité hiérarchique», précise son article 110.
Ce dossier pénal pourrait démontrer à quel point la justice est indépendante. La balle est dans le camp du ministère public.
Indépendance de la justice: Rappel des fondamentaux
La Cour constitutionnelle s’est prononcée sur l’indépendance de la justice: «Les magistrats du ministère public font partie du pouvoir judiciaire». La décision n°992-16 du 15 mars 2016 ajoute ce qui suit: «la Constitution accorde la qualité de juge aux magistrats du siège (ceux qui jugent) et à ceux du ministère public». Ces derniers «bénéficient des mêmes garanties» d’indépendance. Ce principe constitutionnel «n’est pas un privilège pour les magistrats mais pour les justiciables», selon la lettre royale du 2 avril 2017.
Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire est le dépositaire de cette indépendance. «Il préserve les juges contre toute menace ou influence», précise le rapport d’activité 2018 de la présidence du ministère public.
Le statut de la magistrature debout obéit toutefois à «une subordination interne». Ces défenseurs de l’intérêt général se plient aux directives de leurs supérieurs, notamment les procureurs généraux du Roi. La constitution de 2011 prévoit deux garde-fous aux abus de pouvoir. Un ordre doit «être écrit» et «conforme à la loi» y compris lorsqu’il émane du président du ministère public. M’hamed Abdenabaoui hérite des pouvoirs accordés au ministre de la Justice depuis 1913. Il veille notamment sur le bon déroulement de l’action publique.
Les procureurs sont tenus d’appliquer la loi et rien que la loi. «Les directives de la présidence peuvent êtres générales via des circulaires ou porter sur une affaire précise», note la présidence. L’affaire Global Nexus SA se prête à un cas pratique.
Son rapport d’activité 2018 invite «les médias à soutenir l’indépendance de la justice». Message reçu 5/5!
Faiçal FAQUIHI
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