
- L’Economiste: Que faire si un incident technique majeur interrompt le conseil en visioconférence?
- Me Kamal Habachi: Le projet de loi 27-20 permet l’usage du dispositif de visioconférence qui était déjà en vigueur depuis la promulgation de la loi 20-05 en 2008. A cet égard, il convient de rappeler que l’article 50 bis de la loi 17/95 avait déjà encadré cette question, pour mettre l’accent sur les caractéristiques techniques de ce procédé qui doit (i) garantir une participation effective aux réunions des organes de direction ou des organes sociaux, (ii) permettre d’identifier préalablement les personnes participant à la réunion et (iii) permettre un enregistrement fiable des discussions et délibérations. En cas d’incident technique ayant perturbé le déroulement de la réunion, il y a lieu de le mentionner sur le procès-verbal de la réunion.
- La réforme n’accorde-t-elle pas aux DG, PDG et président du conseil trop de pouvoir?
- Le projet de loi accorde la possibilité d’arrêter les comptes annuels 2019 par le DG, PDG ou le président du conseil d’administration en cas d’impossibilité de tenir physiquement ou par visioconférence la réunion du conseil d’administration. Il est vrai que c’est une dérogation substantielle de la loi qui élargit le champ d’intervention de ces organes. Il n’en demeure pas moins que le projet de loi a prévu une formalité de validation de ces comptes par un conseil d’administration qui doit se tenir dans les 15 jours qui suivent la levée de l’état d’urgence sanitaire.
- Quels sont les garde-fous pour éviter la dissimulation d’informations décisives pour l’avenir de la société?
- Comme déjà rappelé précédemment, pour remettre les choses dans l’ordre initial de la loi, le projet accorde un délai maximum de 15 jours, pour tenir les organes sociaux, afin d’arrêter les comptes annuels de manière définitive, car il convient de souligner que l’arrêté effectué pendant l’état d’urgence est provisoire. Lors de cette réunion, le conseil d’administration pourra soit approuver ces comptes, soit rectifier le tir et apporter les modifications requises.
Cependant, dans le cas où le conseil apportait des changements à ces comptes alors qu’ils ont déjà été communiqués aux tiers et en particulier au commissaire aux comptes et à l’administration fiscale, quel serait le sort de ces modifications et leur impact sur l’information financière destinée au public? De même, la société devrait-elle déposer un bilan rectificatif à l’administration fiscale?
- Quelles sont les voies de recours pour les actionnaires?
- Le projet de loi 27-20 s’est prononcé également sur la dette privée, dans la mesure où il a permis aux sociétés faisant appel public à l’épargne, qui souhaitent procéder à une émission d’emprunt obligataire pendant cette période d’état d’urgence sanitaire, de ne pas attendre l’autorisation de l’assemblée générale ordinaire des actionnaires, en raison des délais longs et des restrictions des rassemblements, mais plutôt d’accorder exceptionnellement au conseil d’administration ou au directoire, selon le cas, la possibilité d’autoriser cette émission. Il s’agit d’une disposition dérogatoire au droit commun et en particulier à l’article 294 de la loi 17-95 sur les SA, afin de soulager les finances des entreprises pendant cette phase critique de la pandémie.
Toutefois, il convient de souligner qu’il ne s’agit pas d’un chèque en blanc accordé aux organes de direction, mais plutôt d’une faculté à l’instar du dispositif d’arrêté des comptes, qui permet de prendre une décision rapide et réfléchie, avec l’obligation de la soumettre à l’assemblée des actionnaires, dans un délai maximum de 15 jours après la levée de l’état d’urgence sanitaire.
Etant rappelé à ce titre que le projet de loi a exigé un délai court de 15 jours, alors que dans l’état normal, le délai minimum de convocation des actionnaires pour les sociétés faisant appel public à l’épargne est de 30 jours minimum.
En somme, les actionnaires ont toujours la possibilité de se prononcer sur l’opportunité de l’émission de l’emprunt obligataire, sans oublier le contrôle en amont et en aval de l’opération d’émission, qui ne peut avoir lieu sans le concours étroit de l’AMMC et en particulier lors du visa de la note d’information.
Enfin, il serait également opportun de songer également à la SARL, qui constitue la forme la plus répandue dans notre tissu économique, pour instaurer des règles plus souples en matière de tenue des réunions des associés par visioconférence. Il est vrai que la loi 5-96 prévoit le procédé de vote par consultation écrite, mais ce procédé reste exclu pour les décisions afférentes à l’approbation des états de synthèse.
Propos recueillis par Hassan EL ARIF
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