41.233 marchés publics recensés en 2018. «Ils ont été lancés dans 97% des cas via des appels d’offres ouverts. C’est un indicateur positif pour la transparence. Car l’administration n’use pas des procédures exceptionnelles des marchés négociés comme le gré à gré», estime la Commission nationale de la commande publique.
Installée le 19 janvier 2018, cette jeune entité a pour mission d’émettre des avis et de se prononcer sur les réclamations des opérateurs. Sur les 260 saisines enregistrées en 2018-2019, la Commission que préside Touhami Oulbacha a traité 220 plaintes.
L’un de ses membres, Mohamed Aït Hassou, estime que ce volume «reste faible» au regard du nombre des marchés publics engagés par l’Etat. Une précision s’impose: «La Commission ne traite pas les partenariats public-privé et les concessions déléguées du service public», note ce juriste ayant exercé pendant 20 ans à l’Agence judiciaire du Royaume. Mohamed Aït Hassou dispose d’une solide connaissance de la réglementation des marchés publics.
Son retour d’expérience a d’ailleurs fait le bonheur des magistrats du ministère public en formation mi-février à Casablanca. «Les mécanismes de protection des marchés et de la commande publique des pratiques anticoncurrentielles» étaient sur toutes les langues ce jour-là (Cf. L’Economiste n°5700 du 18 février 2020).
Proposition d’une coopération américaine
Les procureurs des départements américains de la Justice, Jonathan A. Clow et Stéphanie Raney, étaient tout aussi intéressés que leurs homologues marocains. Et pour cause, une réforme des modes de passation des marchés publics fait son chemin. Le chef du gouvernement, Saâdeddine El Othmani, a déjà donné son feu vert. L’un de ses objectifs est de «professionnaliser les donneurs d’ordre en créant un poste d’acheteur public dans les administrations. Il devra concentrer la gestion des appels d’offres lancés par son établissement».
La conseillère économique de l’ambassade US au Maroc, April Cohen, assure que son gouvernement «est prêt à apporter son assistance pour la révision de la réglementation sur la commande publique. J’invite le Royaume du Maroc à profiter de cette dynamique pour lutter contre la prévarication et la corruption. Des experts américains seront à Casablanca pour apporter leur soutien».
Sa proposition de coopération diplomatique intervient au moment où les appels d’offres et les marchés publics suscitent encore des critiques et des plaintes. Exemple: «A fin novembre 2019, l’essentiel des saisines porte sur des dysfonctionnements concurrentiels dans les marchés publics: 16 dossiers sur 51», selon le Conseil de la concurrence. Quant aux 40 demandes d’avis enregistrés par la Commission nationale de la commande publique, elles portent surtout sur l’exécution des marchés publics. Les plaintes reçues en 2018-2019 concernent plutôt la phase de passation.
C’est dans cette optique qu’il est recommandé de se focaliser sur toutes les étapes de réalisation d’un marché public afin de garantir la concurrence loyale. «Depuis la conception de la commande jusqu’à son exécution. Il ne faut pas se limiter seulement à la date de sa contractualisation», nuance le praticien.
Il y a aussi la définition des délais d’exécution. Cette exigence contractuelle peut servir à écarter un concurrent. Une échéance courte profitera beaucoup plus aux grands opérateurs ayant plus de moyens. Une telle condition intervient sous prétexte d’urgence.
«Il est discutable par exemple de vouloir se livrer une école publique en juillet alors que l’année scolaire démarre en septembre», déclare Mohamed Aït Hassou. Raison pour laquelle la réglementation impose entre autres aux ordonnateurs de publier leurs programmes prévisionnels des marchés publics.
Le magistrat Samir Settaoui revient sur la notion d’urgence. «Il faudrait justement la préciser pour éviter les abus», propose le chef du pôle des crimes financiers de la présidence du ministère public. En effet, la notion d’urgence a été souvent soulevée dans les procès pour détournement de deniers publics comme celui de l’Office national des aéroports.
Des pratiques anticoncurrentielles peuvent aussi émerger lors de l’exécution d’un marché. C’est le cas lorsque l’administration envisage d’en modifier les conditions. «Le délit d’initié est dans ce cas-là possible. Pour l’éviter, le responsable ayant conçu l’appel d’offres ne doit pas être celui qui va en changer les termes», recommande la Commission nationale de la commande publique.
La pratique a démontré les insuffisances du décret du 20 mars 2013 sur les marchés publics. En effet, obliger une société de fournir des références peut être discriminatoire. C’est ce qu’a constaté la Commission durant ces deux années d’activité. Elle donne pour exemple une administration ayant exigé aux candidats d’avoir réalisé 15 millions de DH de chiffre d’affaires durant les trois dernières années. Or le projet pour lequel les entreprises soumissionnent est d’un million de DH.
Dans d’autres cas, l’acheteur public exige de bonne foi un certificat de fabrication pour du matériel médical, informatique... Sauf que le constructeur va livrer ce certificat au premier demandeur uniquement! Cette pratique disqualifie indirectement les autres concurrents.
Reste les offres de couverture. Une entreprise intéressée par un marché va demander à une autre d’y soumissionner. La société complice va sciemment présenter une offre qui ne sera pas retenue. L’objectif d’une telle pratique est de partager le marché comme cela a été relevé dans l’affaire du livre scolaire (L’Economiste n°3441 du 7 janvier 2011). Le Conseil de la concurrence avait recommandé «l’interdiction de toutes les offres conjointes» aux appels d’offres du ministère de l’Education.
Des condamnations en hausse à partir de 1999
«Les infrastructures essentielles, telles que les chemins de fer, sont à l’origine du droit de la concurrence né aux Etats-Unis avec le Sherman Act et le Clayton Act», rappelle Virginie Rebeyrotte avocate chez Fidal et spécialiste en droit de la concurrence (cf. L’Economiste n°5690 du 4 février 2020). Les Américains ont une longue tradition dans la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles. Les peines de prison prononcées à partir de la fin des années 1999 sont passées de 8 à 20 mois dans les années 2000. «La loi a changé à partir de cette période. Par conséquent, l’action publique a changé d’orientation dans ses demandes d’accusation», précisent les procureurs des départements américains de la Justice, Jonathan A.
Faiçal FAQUIHI
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