
Mohamed Kabbaj, président du Club marocain de la fiscalité: «Les regroupements devraient permettre à des secteurs comme l’immobilier ou le tourisme de n’avoir à supporter qu’une seule taxe en lieu et place de toutes celles actuellement applicables»
(Ph. L'Economiste)
- L'Economiste: Votre association vient de réaliser des impôts locaux. Que faut-il élaguer du système actuel?
- Mohamed Kabbaj: Permettez-moi de préciser tout d’abord que le travail d’état des lieux et de propositions a été réalisé par le Club marocain de la fiscalité que j’ai l’honneur de présider. La fiscalité locale est frappée de complexité et d’arbitraire, ce qui contribue à une mauvaise connaissance (pour ne pas dire une ignorance) de ce qu’elle recouvre effectivement, et de pratiques douteuses en matière de déclaration ou de recouvrement. D’un autre côté, les collectivités territoriales ne disposent pas de ressources qui leur permettent de fournir aux citoyens des services publics de qualité. Ce mode de fonctionnement n’est pas sain, pas plus qu’il n’est favorable à un développement harmonieux de notre pays et de son économie.
Plutôt que de parler des taxes à supprimer, je pense qu’il faudrait s’attacher aux objectifs de la réforme. A mon sens, ces objectifs doivent viser non pas des suppressions en elles-mêmes, mais des regroupements de taxes afin d'asseoir une fiscalité claire, lisible et pertinente. Par exemple, l’assiette de la taxe professionnelle devrait être changée car taxer l’investissement comme on le fait aujourd’hui est une aberration. Il faudrait plutôt viser les flux financiers, pour la taxe professionnelle comme pour les autres taxes locales d’ailleurs. En matière de clarté et de lisibilité, les regroupements devraient permettre à des secteurs comme l’immobilier ou le tourisme, par exemple, de n’avoir à supporter qu’une seule taxe en lieu et place de toutes celles actuellement applicables. A l’instar de la fiscalité d’Etat, un paiement fractionné pourrait aussi être mis en place, soulageant la trésorerie des entreprises.
A cette heure, ne préjugeons pas de ce que pourra contenir la loi et les objectifs ou points évoqués qui sont des propositions présentées aux autorités compétentes.
- La refonte de la fiscalité locale ne risque-t-elle pas de se traduire par une hausse de la pression sur les contribuables?
- La question de la pression fiscale est un faux enjeu. Je voudrais comparer la fiscalité locale aux charges de copropriété dans un immeuble. Si aucun copropriétaire ne paye ses charges, l’immeuble se dégrade, il est sale, mal entretenu et finalement tout le monde y perd par la baisse de la valeur de chaque appartement et la perte du confort. La fiscalité locale représente les ressources normales des collectivités territoriales, avec lesquelles sont financés les services rendus aux citoyens. Pour cela, elle doit être plus équitable en faisant contribuer tous les secteurs selon leurs moyens et les charges qu’ils génèrent pour la collectivité. Il s’agit là d’une exigence de justice fiscale et sociale. Pourquoi certains secteurs sont aujourd’hui soumis à une taxation faible alors qu’ils utilisent les infrastructures communes? Pourquoi aussi un nouvel entrant dans une profession libérale devrait payer une taxe professionnelle supérieure à celle d’un confrère installé depuis plusieurs décennies, uniquement parce que les loyers sont différents? Avec plus d’équité, de clarté et de lisibilité, il y a fort à parier que sans une augmentation insupportable du poids pour les contribuables, les ressources des collectivités s’envoleront.
Le monde change, nos villes changent. Il est nécessaire que la fiscalité locale suive le mouvement.
- Une convergence entre les impôts locaux et la fiscalité d'Etat est-elle possible?
- Non seulement cette convergence est possible, mais elle est souhaitable. Cependant, ce n’est pas un mouvement uniforme ni obligatoire. En matière de contentieux par exemple, il n’est pas opportun de soumettre la fiscalité locale aux mêmes procédures que la fiscalité d’Etat. Et pourtant, c’est actuellement le cas, avec toutes les lourdeurs et difficultés que cela implique. Ceci étant précisé, dès lors que l’assiette de la fiscalité locale serait en rapport direct avec celle de la fiscalité d’Etat, il est tout à fait possible et même recommandé que tout redressement d’assiette opéré au titre de la fiscalité d’Etat ait des conséquences automatiques sur les taxes locales.
La fiscalité d’Etat est aujourd’hui en mutation. Sa modernisation avance, notamment avec l’utilisation du digital de manière significative. Rapprocher les bases de calcul de la fiscalité d’Etat et de la fiscalité locale peut être une source de simplification et d’efficacité.
Propos recueillis par Khadija MASMOUDI
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