
Expert-comptable, Salah Grine est enseignant universitaire et formateur en analyse financière et montage de dossiers de crédits dans le secteur bancaire. Il a publié plusieurs livres destinés aux étudiants et aux professionnels, dont «Le Tableau de financement analytique, de l’analyse financière à l’analyse stratégique», «Financement bancaire des entreprises, de l’usage de l’analyse financière au montage du dossier de crédit» (Ph. S.G.)
Parce que l’essentiel des ressources budgétaires du Maroc provient des recettes fiscales, et principalement de nos entreprises, les pouvoirs publics ont, depuis fort longtemps, mis en place un certain nombre d’encouragements fiscaux à la création et au développement des entreprises et tout particulièrement pour celles opérant à l’export, dans la construction de logements sociaux,… et tout dernièrement pour celles opérant dans l’industrie ou en amont des entreprises exportatrices (cf. projet de loi de finances pour 2017).
Sous la pression des opérateurs économiques, les pouvoirs publics ont fini, ces dernières années, par prendre conscience qu’en parallèle aux mesures d’encouragement, il était nécessaire d’épurer notre arsenal fiscal de toutes les dispositions qui gênent, et par moments, fragilisent, voire déstabilisent l’entreprise. Le contrôle fiscal et les sanctions fiscales venant en tête du peloton de ces dispositions.
Ainsi, au grand bonheur de nos chefs d’entreprises et de leurs conseils, a-t-on assisté, durant la dernière décennie, à un recadrage du contrôle fiscal qui s’est traduit, entre autres, par la limitation puis la réduction de sa durée à 3 mois lorsque le chiffre d’affaires ne dépasse pas 50 milliards de DH et à 6 mois au-delà; par l’obligation de notifier les redressements au contribuable dans un délai maximal de 3 mois, par la mise en place de la charte du contribuable contrôlé…
Les sanctions fiscales ont, quant à elles, été soumises à un certain processus de rationalisation et de «proportionalisation» au «préjudice». Ce qui s’est traduit par la révision des étranges et sévères sanctions que se voyaient infliger les entreprises pour défaut ou informations insuffisantes sur des déclarations n’impliquant aucun paiement; par l’instauration d’une lettre de rappel en cas de non-dépôt de certaines déclarations; par la réduction des pénalités si le retard dans le paiement de l’impôt est inférieur à trente jours;…
Dans cette évolution très positive, il faut le reconnaître, et qui doit se poursuivre, quelques mesures viennent, toutefois, de temps à autre, brouiller la visibilité et ébranler la confiance. Le projet de loi de finances pour 2017, actuellement en instance de discussion et d’adoption faute de gouvernement, en donne une parfaite illustration, en proposant l’institution d’une nouvelle sanction qui consiste purement et simplement à faire perdre à l’entreprise le droit de récupérer la TVA dans le cas où celle-ci n’aurait pas été déduite dans le mois ou le trimestre du paiement du fournisseur.
La note de présentation du PLF 2017 justifie cette nouvelle sanction par le fait que «certains contribuables présentent des factures ouvrant droit à déduction, à la veille de l’expiration du délai de 4 ans, bien que la dépense afférente ait été effectivement engagée quatre années auparavant». Cette justification interpelle à plus d’un titre. En effet, si, comme le précise la note de présentation du PLF 2017, il s’agit de «certains contribuables» qui se jouent de la loi pour se soustraire au paiement de l’impôt et qui méritent d’être sanctionnés, comment peut-on admettre de voir cette sanction s’abattre sur des contribuables qui, par omission, négligence ou empêchement, n’imputeraient pas, dans le mois ou le trimestre, la TVA payée aux fournisseurs. Sanctionner la majorité des contribuables pour en contrer une minorité reviendrait à sanctionner la mauvaise foi présumée, alors que seule la mauvaise foi avérée doit l’être.
«Porter la croix» trop souvent à la place d’autres
Si cette sanction devait être maintenue, ses conséquences pourraient, dans certaines situations, être dramatiques pour les contribuables de bonne foi. En effet, si la TVA, non imputée dans le délai proposé, portait sur un gros investissement ou sur de grosses charges, l’impact sur la trésorerie, la rentabilité, voire la compétitivité de l’entreprise pourrait être fatal. Et tout cela, faut-il le rappeler, pour une soi-disant «infraction» plutôt à l’avantage du Trésor et dans laquelle manquerait l’un des trois éléments essentiels à sa constitution, à savoir l’élément moral, c’est-à-dire l’intention.
La protection des droits du Trésor est légitime et nécessaire, mais la protection de nos entreprises, de tout ce qui pourrait être de nature à les mettre en difficulté, l’est tout autant. Ne dit-on pas que le bon Droit est protecteur.
Si cette sanction s’avérait être la seule arme possible pour contrer les agissements de certains contribuables, tout doit, en revanche, être fait pour en atténuer les conséquences sur les contribuables de bonne foi qui, dans notre pays, «portent la croix» trop souvent à la place d’autres. Le droit à déduction pourrait ainsi n’être perdu que si et seulement s’il n’était pas exercé durant l’exercice comptable et ce, pour permettre, aux contribuables de bonne foi, de se rattraper.
Et ce faisant, l’on pourrait atténuer quelque peu cette nouvelle dérogation au principe de prescription quadriennale, et par la même, rendre cette nouvelle sanction, au moins, plus en phase avec l’objectif qui lui a été fixé: «permettre à l’administration fiscale de contrôler l’effectivité de la dépense et en accord avec le principe de l’annualité de l’impôt», comme le précise la note de présentation du PLF 2017. Gageons que l’ouverture d’esprit dont font preuve, ces derniers temps, les autorités fiscales du pays permettront de «corriger le tir» pour que seul prévale le principe du «fraudeur payeur».
Une autre aussi...
L’ARTICLE 89-I-10° du CGI ne soumet à la TVA que «les locations portant sur des locaux meublés et garnis». Dans le PLF 2017, «il est proposé, dans un souci de clarté, de préciser que la location portant sur les locaux à usage professionnel est soumise à la TVA». Ce qui signifie que dès qu’un local est loué pour un usage professionnel, la TVA sera appliquée même quand le propriétaire est une personne physique, qui devrait, alors, non seulement faire accepter par le locataire de payer la TVA, mais également de déposer périodiquement une déclaration de TVA et procéder au paiement, à moins que l’on institue une auto-liquidation de cette TVA par le locataire professionnel.
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